L'université de Toulouse : huit siècles d'Histoire en un ouvrage

Publié le 6 mars 2020 Mis à jour le 9 mars 2020

Elle a connu l’apogée avant d’être supprimée, fut reconstruite puis transformée : pour la première fois, un ouvrage inédit retrace L’Histoire de l’université de Toulouse*. Patrick Ferté et Caroline Barrera, historiens à l'Université Toulouse-Jean Jaurès et à l'INU Champollion, ont relevé le défi de diriger ce travail colossal. Entretien.

Le quartier latin de Toulouse au 17e siècle

Trois volumes, 2000 pages, une vingtaine de chercheurs, il fallait bien cela pour retracer la passionnante histoire de l’Université de Toulouse depuis le Moyen Âge jusqu’à nos jours. Ce travail, inédit par son ampleur, la richesse et la diversité de ses sources, l’est aussi par sa pluridisciplinarité. « C’est un choix méthodologique délibéré de varier les approches » confirme Caroline Barrera, co-directrice de l’ouvrage et directrice du volume 3 sur l’époque contemporaine. Les historiens médiévistes, modernistes, contemporanéistes ont ainsi croisé leurs regards avec des historiens du droit, de l’art, du sport, de la médecine, mais aussi des juristes, des sociologues, un théologien, un économiste et une spécialiste du patrimoine universitaire. « On peut considérer sans immodestie qu’une telle étude globale constitue une première dans l’historiographie universitaire française » assure Patrick Ferté qui a codirigé l’ouvrage et rédigé le volume 2, consacré à l’époque moderne. Car les chercheur(e)s se sont plongés dans pas moins de huit siècles d’archives conservées par l’Université de Toulouse, un fonds qui reste à ce jour, l’un des plus riches de France.
 

Le rayonnement de l’université de Toulouse

Deuxième campus du royaume par sa population étudiante, l’université de Toulouse (composée de quatre facultés : droit, théologie, arts libéraux, médecine), était une référence, dès le Moyen-Âge. « En droit, elle est devenue un pôle d’excellence, préférée à toute autre. De la Renaissance à la Révolution, les futurs cadres de la monarchie venaient étudier à Toulouse, attirés par ses professeurs célèbres », précise Patrick Ferté. Une réputation qui dépassa les frontières. Au XVIe siècle l’université de Toulouse recrutait des étudiants et des professeurs espagnols, irlandais, écossais, puis, à partir du XIXe siècle, dans le monde entier : « Les étudiants n’hésitaient pas à parcourir à pied des centaines de kilomètres… ». Véritable fille modèle de la monarchie, ce n’est pas un hasard si l’université de Toulouse fut détruite par les Révolutionnaires en 1793. Avant de renaître de ses cendres…
 

De l’enseignement à la recherche

Dès sa création (1229) et durant plusieurs siècles, la mission de l’université fut avant tout de former les futurs cadres de l’Église, de la justice, et à moindre degrés les médecins. Elle est majoritairement un lieu de « reproduction des élites ». Mais, remarque Patrick Ferté, elle a aussi joué un rôle, certes minoritaire, d’ascenseur social : « on voyait des fils d’artisans, de notaires, d’huissiers, de chirurgiens (professions à l’époque très subalternes et non diplômées), voire des enfants de paysans, se hisser dans la société comme avocats au parlement, médecins ou prêtres gradués ». Quant aux femmes, il faudra attendre la fin du XIXe pour les voir entrer à l’université !

Entre temps, un tournant important s’opère sous la IIIème République : la recherche devient une mission officielle de l’université de Toulouse de pair avec l’enseignement. « Les chercheurs, qui jusqu’ici ne recevaient guère de soutien et devaient se débrouiller, notamment au sein de sociétés savantes, sont dotés de laboratoires, de bibliothèques, de lignes budgétaires spécifiques… » raconte Caroline Barrera, spécialiste de la période. Toulouse produira ainsi de grands noms dont les Nobels Paul Sabatier (1912) et Jean Tirolle (2014).
 

La vie étudiante toulousaine

« Le quartier latin toulousain [situé dans un quadrilatère joignant les Jacobins à l’église du Taur, à Saint Sernin et la rue Albert-Lautman] était, à l’époque moderne, jour et nuit perturbé par les frasques de ces jeunes gens au sang chaud et armés d’épées à deux mains ! » raconte Patrick Ferté. Et c’est toujours le cas après la Révolution confirme Caroline Barrera : « les autorités continuent de craindre l’agitation étudiante, à tel point qu’il faut attendre 1883 pour qu’ils aient le droit de fonder leurs associations étudiantes. C’est en 1886 que naît l’Association générale des étudiants de Toulouse, qui deviendra plus tard l’UNEF.
 

*Caroline Barrera et Patrick ferté (dir.), Histoire de l’université de Toulouse, Portet-sur-Garonne, Editions Midi-Pyrénéennes/Université fédérale de Toulouse, 2020. Vol. 1 Le Moyen Âge (J. Verger et P. Foissac, 346 p.), Vol. 2 L’époque moderne (P. Ferté), vol. 3 L’époque contemporaine (C. Barrera, dir., 768 p.).

Caroline Barrera est Maître de conférences en Histoire contemporaine à l'Institut National Universitaire Champollion et membre permanente de Framespa.

Patrick Ferté est enseignant-chercheur émérite en histoire moderne à l’Université Toulouse-Jean Jaurès.