Regards croisés sur l’anthropocène

Publié le 25 novembre 2019 Mis à jour le 29 novembre 2019

Retour sur la dernière conférence Savoirs partagés de 2019

Le 10 octobre 2019, en plein cœur de la Fête de la Science, la seconde conférence Savoirs partagés du thème « Transitions » a donné lieu à de riches échanges, mêlant différents regards scientifiques, sur la définition et les conséquences de l’Anthropocène.
D’abord introduits par Nathalie Dessens, vice-présidente en charge de la diffusion des savoirs à l’UT2J, différents temps de parole ont ensuite permis de colorer la définition de ce nouveau terme avec les apports de disciplines aussi variées que l’océanographie, la géographie ou encore les arts plastiques.

La première partie de la conférence a été animée par Catherine Jeandel, océanographe et directrice de recherche CNRS au laboratoire LEGOS. Faisant partie d’un groupe de 35 scientifiques de disciplines différentes, qui travaille depuis 7 ans sur la question de l’Anthropocène, Catherine Jeandel a exposé leur constat, selon lequel, le passage de l’Holocène à l’Anthropocène, directement imputable aux activités humaines, doit être formalisé et daté aux alentours des années 60. Pour eux, il est indéniable que l'Anthropocène soit devenu une réalité, une période géologique définie sur le plan de la stratigraphie. Leur travail est maintenant de définir les marqueurs géochimiques (carbone 13, radionucléides…) et le milieu support optimal (zones anoxiques, dépôts valvaires, deltas, tourbières…) afin d’apposer le clou d’or, point marquant les limites existantes entre ces 2 étapes géologiques.
Revenant aux origines même du terme d’Anthropocène puisqu’initialement né dans le champ circonscrit de la géologie, Catherine Jeandel a su exposer clairement au public les règles pour définir une unité stratigraphique.

Prenant à son tour la parole, Sinda Haouès-Jouve, géographe, maitre de conférences au laboratoire LISST, s’est attachée à détailler les échanges entre l’Anthropocène et les Sciences Humaines et Sociales, comment elles sont interrogées et bousculées par ce phénomène, qui, plus qu’une crise environnementale, est une véritable une révolution géologique d’origine humaine et de longue durée. Selon elle, les SHS ont pour vocation de donner un sens aux chiffres, aux courbes alarmantes afin d’accompagner le phénomène. Elles sont en capacité de faire se déplacer le regard des résultats aux acteurs.
Au niveau de la géographie, et plus précisément en aménagement du territoire, l’Anthropocène oblige à adapter les villes au changement climatique, à passer d’un urbanisme moderne à un urbanisme durable. Les référentiels et les outils à disposition des chercheurs sont eux aussi modifiés, a précisé Sinda Haouès-Jouve.

Matthieu Duperrex, chercheur en arts plastiques, membre associé du laboratoire LLA-CREATIS, est venu clore cette présentation à 3 voix en posant la question : comment l’art peut traduire l’anthropocène ? Les arts, au sens large, sont confrontés au défi de rendre sensible les spectateurs à ces phénomènes non attestés pour certains, non unifiés. Les artistes doivent relever le défi de les esthétiser, au sens du beau bien sûr mais aussi au sens du scientifique, au sens du politique en donnant une voix au non-humain. L’art devient alors écologique, sa consistance environnementale traduit l’engagement artistique de son auteur.
Dans la dernière partie de son exposé, Matthieu Duperrex a décrit l’art comme une expérience, servant à inventer et réinventer le lieu, à habiter la catastrophe du présent, à mesurer les influences de l’humain sur le moindre objet.

Cette dernière conférence Savoirs Partagés de l’année 2019, particulièrement enrichissante, a démontré la nécessité de se saisir de la notion d’Anthropocène. Les 3 chercheurs ont pris le soin de venir différemment illustrer ce terme, au regard de leur propre discipline.
Un tout autre sujet viendra occuper la prochaine conférence Savoirs Partagés sur le thème « Transitions », qui joue les prolongations sur le début d’année 2020. Le 23 janvier prochain, Jean-Pierre Poulain, professeur au laboratoire CERTOP/ISTHIA en charge de la chaire « food studies » de la Taylor’s University en Malaisie, et Nicolas Bricas, chercheur au Cirad et titulaire de la Chaire Unesco Alimentations du Monde, échangeront sur le thème « Transitions nutritionnelle et protéique : Des modèles pour penser le défi de nourrir la planète », lors d’une conférence programmée au Quai des Savoirs cette fois.