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Retour sur la conférence de Pascal Ory sur le lien entre culture et mai 68

Publié le 6 juin 2018 Mis à jour le 26 novembre 2018

Deuxième conférence du cycle "Mai 68 et après ?" des Savoirs partagés de l'UT2J

Le 4 avril dernier, devant une salle comble, Pascal Ory, professeur émérite à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne a donné la deuxième conférence du cycle 2018 des conférences Savoirs Partagés consacré au thème « Mai 68 et après ? ».
Intitulée « Mai 68, ou le triomphe de la ‘Société du spectacle’ ? », la conférence a été introduite par Nathalie Dessens, vice-présidente en charge de la Diffusion des Savoirs, qui a salué la richesse interdisciplinaire de ce cycle de conférence, et par Emeline Jouve, maitre de conférences en langue et littérature anglaise à Institut National Universitaire Jean-François Champollion, qui a présenté l’intervenant Pascal Ory : à la fois historien, enseignant et acteur du monde culturel, passionné de théâtre et de cinéma, avec une véritable curiosité horizontale de l’histoire.

Spécialiste de l’histoire culturelle et politique des sociétés modernes, Pascal Ory a ensuite pris la parole pour un exposé chronologique riche d’anecdotes sur la spectacularisation des évènements de mai 68.
Il commence par citer l’ouvrage de Guy Debord, La Société du spectacle, paru en novembre 1967, véritable source d’inspiration pour les militants de mai 68. Critique radicale de la société marchande et de sa domination sur la vie, ce travail fait pour la première fois le lien entre la marchandise, issue du monde économique et le spectacle, issu de la sphère culturelle.

La spectacularisation de mai 68 est évidente dans la manière dont se raconte mai 68 et dans la manière dont il s'est d'emblée mis en scène : les manifs, les meetings et la rue sont des scénographies, les slogans et drapeaux, des éléments de spectacle.
Les pavés, les barricades et les occupations des lieux de travail, comme les usines, représentent des intérêts symboliques plutôt que stratégiques : on rejoue ici le passé en reprenant des symboles historiques anciens. Comme en 1936, des artistes se rendent dans les lieux occupés.
Si des « traditions » sont ainsi respectées, la période de mai 68 est aussi marquée par une vague de créativité. Des éléments nouveaux apparaissent pendant la crise : des prises de parole non institutionnelles, occupation des lieux de savoir comme la Sorbonne, les murs deviennent des éléments de dialogue via les tracts.

Le monde de la culture n’échappe évidemment pas à la crise : arrêt du Festival de Cannes, occupation de l’Odéon… Les lieux de spectacle, comme les théâtres publics, vont être occupés et deviennent des lieux de débat jusqu’au mois de juin 1968 et ses élections législatives. La créativité s’exprime aussi et l’expérimentation théâtrale se fait hors des lieux habituels : dans la cour d’honneur d’Avignon, au café de la gare…

Pascal Ory clôture sa conférence avec l’exemple précis du festival d’Avignon de juillet 1968. Un moment clé, qui a durablement marqué la relation du théâtre et de la politique en France. Sous la direction de Jean Vilar, le festival est pensé comme un lieu d'expression ouvert, libre et moderne mais il cristallise rapidement des mouvements de contestation : la révolution se rejoue à Avignon. La municipalité nouvellement élue, s’oppose notamment à la programmation en censurant les représentations de Paradise Now par le Living Theatre, troupe de théâtre engagé, ce qui provoque de nombreux débordements et manifestations agitées. Au sein même des festivaliers, deux courants de pensée s’opposent entre une vision utopique du théâtre, ennemie du « Supermarché de la culture » et les défenseurs d’une conception plus populaire.

Les questions, précisions, exemples et échanges ont pu se poursuivre au Cinéma ABC puisque la conférence a été suivie d’une projection du film Mourir à trente ans. Ils pourront également continuer lors de la prochaine conférence du cycle Savoirs Partagés consacrée aux mouvements féministes de mai 68 et programmée le 11 octobre prochain.

Revoir la conférence en vidéo.