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Des sociologues UT2J lèvent le masque

Publié le 2 juin 2020 Mis à jour le 3 juin 2020

Ils sont apparus sur nos visages il y a bientôt trois mois et sont devenus indispensables à nos vies : les masques de protection sont au cœur d’une enquête menée par un collectif de sociologues des universités Toulouse – Jean Jaurès, Albi, Nice, et de l’École des Mines de Paris. Franck Cochoy, professeur et chercheur au LISST, coordonne cette étude. Entretien.

Le masque est l’objet qui s’est imposé, concrètement ou virtuellement, dans nos vies depuis la mi-mars. « La force des habitudes cède extraordinairement vite aux imprévus. Qui aurait cru qu’une immense majorité de nos contemporains réclament quasiment à l’unanimité le port d’un accessoire dont ils ignoraient encore tout il y a quelques semaines ? » constate le sociologue d’UT2J, Franck Cochoy. Le projet Maskovid que coordonne le chercheur a pour objectif de recueillir des témoignages sur l’origine et l’usage des masques utilisés par le grand public et les soignants. Ainsi que sur les dispositifs mis en œuvre par les commerçants. Deux autres recherches participatives sont également lancées pour produire des données sur le nombre et le type de masque utilisé, autant que sur ceux qui sont jetés.

En avoir ou pas

Un constat a émergé dès les premiers milliers de témoignages reçus par l’équipe Maskovid, celui d’une nouvelle forme d’inégalité sociale entre ceux qui ont un masque et ceux qui n’en n’ont pas. Plusieurs semaines après le lancement de l’enquête Franck Cochoy observe que ce clivage se confirme, voire s’amplifie. « Aux masques incongrus des rares privilégiés du début du confinement succède le sentiment, chez ceux qui en sont encore dépourvus, de se sentir tout nus. D’autre part, l’alternative entre avoir un masque et ne pas en avoir se diffracte en avoir tel type de masque ou en avoir tel autre » (le masque médical en principe réservé aux soignants, ou un masque en tissu grand public).

Du masque industriel au fait maison

Et la variété ne manque pas. Le masque peut être en tissu, réutilisable, à usage unique, chirurgical (ce dernier étant lui-même décliné en catégories 1, 2 ou 3), en bec de canard, à trois plis… Ce qui fait dire au chercheur que « la question du masque devient, à mesure que la situation évolue, la question des masques. » L’autre grande tendance qui se dégage de l’enquête est la proportion de masques faits maison. Les chercheurs ont reçu des centaines de témoignages. « C’est une grande surprise de découvrir l’étendue de cette capacité à la production domestique et au don solidaire entre personnes, dans une société réputée marchande, où l’on croyait que la quasi totalité des biens de consommation devait nécessairement être produite dans des entreprises et achetée sur le marché », commente Franck Cochoy.

Des masques par millions

L’industrie s’est elle aussi mise à coudre pour répondre au besoin de masques, notamment en vue du déconfinement. Plusieurs centaines de millions de masques jetables seront vendus dans les grandes surfaces et les pharmacies à compter du 11 mai. Au delà de la question sanitaire, cela interroge le chercheur. « Quand la crise du Covid-19 sera derrière nous, le réchauffement climatique et l’épuisement des ressources naturelles reviendront sur le devant de la scène et il sera bon de se souvenir des choix dont le masque et ses variantes étaient porteurs. » Des masques usagés se retrouvent déjà sur le bord des trottoirs, et l’étude Maskovid appelle d’ailleurs les joggeurs à contribution pour comptabiliser le nombre de masques et de gants rencontrés sur leur parcours.
 

Deuxième phase de l'enquête

Cette première partie de l'expérience a permis de recueillir plus de 1 000 témoignages très complets. Aujourd'hui, l'équipe de sociologues lance une deuxième vague d’appels à témoignages afin de mesurer les évolutions après déconfinement. Les résultats sont publiés au fur et à mesure dans des revues scientifiques et dans la presse. Découvrez-en une partie via cet article publié dans La Dépêche : Jalousie, solidarité... une enquête sociologique révèle le rapport des Haut-Garonnais aux masques !

Participez à la seconde partie de l'étude Maskovid !