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François-Xavier Fauvelle entre au Collège de France

Publié le 24 septembre 2019 Mis à jour le 4 octobre 2019

L’archéologue et historien, membre de Traces, devient le titulaire de la nouvelle chaire d’ «Histoire et archéologie des mondes africains» du Collège de France. Avec lui, c’est un certain regard et un découvreur insatiable de ce continent pluriel qui est ainsi salué.

C’est un spécialiste reconnu de l’histoire ancienne de l’Afrique, ancien directeur et membre du laboratoire Traces (UT2J/CNRS) qui sera prochainement reçu au Collège de France.

Une consécration et un motif de fierté pour l’ensemble des archéologues toulousains ! Pour le principal intéressé, « c’est une énorme responsabilité, je suis heureux, mais aussi très intimidé » de faire partie de cette « formidable vitrine » qu’est le Collège de France, déclare-t-il au journal du CNRS en août 2019.

Diplômé en philosophie (sa formation d’origine) et en histoire, François-Xavier Fauvelle fait partie de cette nouvelle génération de chercheurs qui se sont attachés à promouvoir auprès du grand public la variété et la singularité des mondes africains en luttant contre les préjugés d’une Afrique « sans histoire », cantonnée à être le berceau à jamais primitif de l’Humanité et souvent uniquement jugée à l’aune du continent européen.

« Inventer de nouvelles grilles d’analyse pour l’Afrique, renverser nos perspectives. »*

C’est avec cette passion chevillée au corps que l’archéologue, recruté en 2002 par le CNRS et l’Institut d’études africaines à Aix-en-Provence, a sillonné de nombreux terrains sur le continent : de l’Afrique du Sud et australe à l’Afrique du Nord en passant par la Corne de l’Afrique, où il a dirigé le Centre français d’études éthiopiennes à Addis Abeba entre 2006 et 2009.

Avec Bertrand Hirsch (université de Paris I) et leurs équipes pluridisciplinaires, il découvre dans ce pays plusieurs villes médiévales, dont la capitale du sultanat de l’Ifât, datant des XIVème et XVème siècles.

En 2009, il rejoint le laboratoire Traces, où il crée aux côtés de François Bon et Caroline Robion-Bunner, le pôle Afrique, avant de diriger le laboratoire entre 2013 et 2017.

Auteur de près de 150 publications académiques, il est l’auteur d’ouvrages qui font date comme Le Rhinocéros d’or. Histoires du Moyen-Âge africain (Alma, 2013, repris en poche, « Folio histoire », 2015) traduit en une dizaine de langues, ou encore L’Invention du Hottentot. Histoire du regard occidental sur les Khoisan, XVème-XIXème siècle (Editions de la Sorbonne, 2002, repris en poche, 2018).

Dernièrement, il est également l’éditeur scientifique de L’Afrique ancienne, de l’Acacus au Zimbabwe (Belin, 2018), ou encore (avec Isabelle Surun) de l’Atlas historique de l’Afrique (Autrement, 2019).

Cette recherche exigeante, au cœur de vestiges foisonnants, a conduit l’historien de l’Afrique à mettre au jour inlassablement les multiples passés de ce continent, au-delà de toutes les représentations fantasmées et caricaturales.

Désormais, François-Xavier Fauvelle entend transmettre ces connaissances aux publics divers du Collège de France.


 

En bref :


Après sa leçon inaugurale, intitulée « Leçons de l’histoire de l’Afrique », le cours de François-Xavier Fauvelle, intitulé « Introduction aux mondes africains médiévaux », débutera le jeudi 31 octobre et se poursuivra jusqu’au 19 décembre à raison d’une séance (14h-15h30) tous les jeudis.

Son séminaire se tiendra sous la forme d’un colloque les 25 et 26 mai 2020 sur le thème « L’Or africain : maillons d’une chaîne de problèmes » (avec Caroline Robion-Brunner).

L’ensemble de son enseignement sera rendu accessible largement sous forme de vidéos diffusées par le Collège de France sur www.college-de-france.fr.

En savoir plus :

François-Xavier Fauvelle vu par…

Nicolas Valdeyron, directeur du laboratoire Traces
Ancien directeur adjoint de François-Xavier Fauvelle


La rencontre
« J’ai connu François Xavier Fauvelle en 2006 lors d’une mission en Afrique du Sud. Je me souviens avoir partagé un voyage en voiture entre Johannesburg et Le Cap. Nous étions 3 à bord avec François Bon qui souffrait d’une rage de dents et ne pouvait pas parler. Alors nous avons longuement conversé FX et moi et j’ai pu le découvrir. C’est quelqu’un d’une fidélité exemplaire. »

L’homme, l’historien, le chercheur
« Ce qui marque chez lui c’est sa passion inextinguible et sa culture débordante. Il n’a jamais douté de sa trajectoire jusqu’au Collège de France aujourd’hui. C’est quelqu’un de déterminé qui s’est donné les moyens d’arriver là où il est. Derrière ses côtés fonceurs, durs, efficaces, parfois intransigeants, sa décontraction et le fait de donner l’impression de n’avoir peur de rien, c’est aussi un grand romantique avec beaucoup de pudeur, soucieux de l’avis des autres. C’est avant tout un amoureux de l’Afrique, avec un attachement presque charnel, vrai, sincère, sans concession pour ce continent. En tant qu’historien, il n’a eu de cesse de montrer comment les cultures nationales pouvaient être abordées par l’archéologie. »

Le directeur de labo
« En qualité de directeur du laboratoire Traces, il a profondément transformé le laboratoire et lui a donné un nouvel essor, sans en faire un outil de promotion personnelle. Il a su prendre des décisions difficiles en termes d’organisation et de structuration. »

L’anecdote
« Ce grand passionné de Mandela est aussi un as du barbecue. Je me souviens d’une soirée où nous avons été pris en plein milieu d’un cambriolage, il nous a dit de nous protéger tout en continuant à faire cuire ses steaks avec la plus grande rigueur du monde! »

François Bon, membre du laboratoire Traces


La rencontre
« Je connais FX depuis 1994. Il venait d’arrêter ses études de philosophie et sa thèse et se donnait un an pour réfléchir. C’est dans les Landes à Brassempouy que nous avons sympathisé. Nous étions tous les deux à Paris I, mais nous ne nous étions jamais rencontrés. Il était alors en train de basculer vers l’histoire africaine de la période moderne. Quelques années plus tard, en 1997, alors en thèse tous les deux, nous nous sommes retrouvés à sillonner ensemble la Namibie et l’Afrique du Sud. Pour moi, c’était mon premier séjour. Lui connaissait déjà cette région. J’ai le souvenir de formidables missions exploratoires avec lui cette année-là et les années qui suivirent, notamment sur le programme « archives Khoisan » qu’il avait monté. »

L’homme, l’historien, le chercheur
« Travailleur acharné, c’est quelqu’un de passionné et exigeant, a fortiori avec lui-même. Et qui met la barre très haut. Je dois souligner son double regard d’historien et d’archéologue. Dans son approche, il ne se satisfait jamais des situations acquises et confortables et remet toujours les choses en question. Il prend des risques. Et c’est à force de prise de risques qu’il a pu couvrir une aire géographique et chronologique aussi large sur le continent. Rien d’étonnant lorsqu’on connaît à la fois son très grand appétit intellectuel et son goût pour le challenge. Sa trajectoire est logique mais c’est tout sauf un carriériste. Son ambition intellectuelle prime sur l’ambition académique. »

Le directeur de labo
« Ce fut un remarquable directeur de laboratoire avec un vrai sens de la stratégie, disposant d’une grande capacité à pousser les autres, avec un grand sens du collectif. Il a mis le pied à l’étrier à bon nombre d’entre nous. C’est aussi grâce à son dynamisme que l’archéologie toulousaine est aujourd’hui structurée et aussi vivace. »

L’anecdote
« Je me souviens d’un de nos premiers voyages en Afrique du sud sur les traces des pasteurs namas, descendants des khoïsan. Nous étions partis en voiture avec 2 bananes et un paquet de biltong. En pleine journée, il faisait très chaud, mais nous n’avions pas prévu que la nuit venue nous nous retrouverions dans un très grand froid à chercher (vainement) à dormir dans le coffre de tôle du 4x4. Les Namas avaient positionné sur les arbres alentours des hampes de bois pour construire leurs huttes, et des petits tas de bois pour les travailler par le feu. Avouons que nous étions un gênés de subtiliser leurs réserves pour nos réchauffer. Mais ce fut une très belle nuit de discussion autour d’un feu à la belle étoile ».

Caroline Robion Brunner, membre du laboratoire Traces

La rencontre

« J’ai connu François-Xavier Fauvelle en 2010, lorsque je suis arrivée à Traces. Il avait pour projet de réunir les africanistes du labo (F.Bon, L.Bruxelles, N.Valdeyron, J.Colin, B.Poissonnier et moi). Comme toujours il était à fond, fourmillant de projets. Moi, enceinte à l’époque, j’avais pris du recul. Ce n’est qu’en 2011, lors de mon retour que je l’ai côtoyé sur le terrain au Maroc, moi qui pour des raisons géopolitiques ne pouvais plus me rendre au Mali/Niger/nord Burkina. Nous étions les deux seuls du laboratoire à travailler exclusivement sur l’Afrique. »

L’homme, l’historien, le chercheur
« Moi qui fais 1 mètre 60, j’ai découvert au Maroc quelqu’un qui était à 100 à l’heure et qui traversait les terrains avec toute l’énergie d’un lion hors de sa cage, toujours en mouvement, remplissant les espaces, et moi je tricotais pour le suivre. C’est quelqu’un de très à l’écoute et fidèle avec ses collègues. Sa force, c’est d’avoir su incarner et porter cette histoire de l’Afrique, loin des clichés victimaires ou misérabilistes. Il faut saluer ce parcours qui l’a amené au Collège de France aujourd’hui avec une chaire d’histoire de l’Afrique, avec une vision qui dépoussière, ce qui fait du bien en histoire. Ce regard, on le retrouve aussi dans son ouvrage l’Afrique Ancienne chez Belin, qui aborde la longue histoire du continent avant la traite et la colonisation. »

Le directeur de labo
« Avec lui, on peut ne pas être d’accord. Parfois, il peut donner l’impression de ne faire qu’à son idée mais c’est tout le contraire, puisqu’il nous entend et intègre nos propositions. J’apprécie aussi la façon dont il travaille avec ses étudiants, sa façon de diriger les équipes, lui qui dirige mon HDR. Il embarque les gens sans les écraser pour autant. »

L’anecdote
« En 2014, je me souviens avoir participé à la SAFA (colloque international dédié à l’archéologie africaine) à Toronto. Comme c’est la règle, l’édition suivante devait se tenir en Europe mais personne n’était candidat. C’est alors que j’ai proposé la candidature de Toulouse. J’appelle FX qui me dit banco, pas effrayé le moins du monde par l’ampleur de l’événement. Pour lui, on devait oser, peu importe le budget colossal à trouver. Nous avons rêvé ensemble. Il était sûr de la légitimité du projet et l’édition toulousaine de ce congrès mondial en 2016 a été un immense succès ! »

Photo : Collège de France

* Journal du CNRS (Août 2019)