• Vie scientifique et culturelle,

Anne Condamines ou la linguistique impliquée

Publié le 4 février 2013 Mis à jour le 12 mars 2013

Portrait d'Anne Condamines, directrice de recherche CNRS au sein de l'UMR CLLE (Cognition, Langues, Langages, Ergonomie). Extrait du portfolio d'équipe réalisé à destination des journalistes

Photo Anne Condamines - Crédit Emilie Escale
La linguistique et Anne Condamines, c’est tout d’abord l’histoire d’une rencontre un peu fortuite. Celle d’une étudiante, qui, lors d’un DUT de documentation, se découvre une passion pour les mots et les textes.

C’est à ce moment qu’intervient le déclic. Elle reprend alors ses études jusqu’au doctorat. Cet amour pour la recherche ne se démentira pas pendant les deux décennies suivantes puisqu’elle devient directrice de recherche au CNRS en 2006, et sera directrice adjointe du laboratoire CLLE.

Sa spécialité ? L’étude des terminologies et des phraséologies dans les milieux professionnels, et plus particulièrement ceux de hautes expertise et technicité.
C’est son postdoc, co-financé par Matra Marconi Space en 1991, qui lui permet de découvrir le monde de l’entreprise et ses réalités, mais aussi ses codes et son langage. Son implication se voit récompensée en 1994 avec l’obtention du prix ANVIE/CNRS de valorisation de la recherche en sciences humaines dans les entreprises.

Assez exemplaire de ses recherches, l’étude menée par son équipe sur les échanges entre les pilotes et les contrôleurs aériens, mérite d’être citée. « J’étudie comment les usages réels de la langue peuvent différer de la norme, sous l’effet d’imprévus (stress, habitudes etc.). Et les dialogues entre les pilotes et les contrôleurs aériens sont très intéressants à observer.», explique-t-elle.

« Nous ne sommes pas des robots et heureusement. J’aime voir comment l’humain fait irruption dans des discours très techniques et très normés. Ce dont beaucoup de gens n’ont pas conscience, c’est que la langue n’est pas le moyen de communication parfait.»
In fine, l’objectif est de mieux comprendre les mécanismes de construction et de transmission de la langue, de faire prendre conscience aux professionnels qu’il y a des dysfonctionnements, et si besoin de proposer des pistes d’amélioration réalistes, pour rendre les échanges plus clairs et plus transparents.

Pourtant, les entreprises restent encore réticentes, par méconnaissance, à accueillir les linguistes. « Souvent, ce sont nos collègues psychologues ou sociologues qui font appel à nous. Nous devons  encore convaincre de ce que nous pouvons apporter aux entreprises», déplore-t-elle. Et auprès du grand public, la méconnaissance est encore plus grande, même à l’université, où la linguistique peine à être enseignée.

C’est ce qui amène Anne Condamines à intervenir fréquemment dans des opérations de valorisation de sa discipline mais aussi des autres sciences humaines. A l’Université de Toulouse II-Le Mirail, elle participe notamment à l’amélioration du corpus des compétences (une base de données réunissant les chercheurs et leurs domaines d’intervention) ou évoque la linguistique à des collégiens lors de la Fête de la Science.

 « Je ne dirai pas que je fais de la linguistique appliquée, car ce serait méconnaître les apports des travaux que mène mon équipe de recherche, y compris à la linguistique théorique. Par contre, je revendique faire de la linguistique impliquée.», conclut-elle.

Crédit photo Emilie Escale

En savoir plus sur le laboratoire CLLE