#12 . Hilda Inderwildi, chercheure de l’hybride

Publié le 1 décembre 2021 Mis à jour le 5 septembre 2022

Hilda Inderwildi enseigne la littérature contemporaine germanique et l’histoire des arts à l’UT2J. Traductrice et spécialiste du Pop Art, la chercheure évolue au croisement de la littérature et des arts visuels. Et bouillonne de projets…

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Sur le bureau de Hilda Inderwildi sont étalés des portraits grands formats du photographe suisse Gilles Pandel. La chercheure travaille actuellement sur le catalogue de la rétrospective Ce que je vis, consacrée à l’artiste. Elle écrit également sur le peintre autrichien Milan Markovich. L’art et la culture sont des valeurs refuge, confie-t-elle. Un refuge qui ouvre pourtant grand les portes sur le monde et c’est précisément ce qui anime Hilda Inderwildi. Son enseignement comme sa recherche sont en prise avec la société civile et décloisonnent les univers.

Cette ouverture au monde qui lui tient tant à cœur a pour point de départ le petit village de Désertines dans l’Allier, où est née Hilda Inderwildi. Une commune dont le nom, dit-elle dans un rire, se résume à lui seul. A l’opposé pourtant de l’univers plurilingue dans lequel elle grandit : un père suisse-romand qui parle l’alsacien et une mère espagnole. La jeune Hilda, elle, est très tôt fascinée par l’allemand, plus pondéré estimait-elle alors, que le très expansif idiome latin. Loin d’elle pourtant l’idée d’en faire un métier. Enfant, elle envisageait deux possibilités : archéologue ou maîtresse d’école. Puis à l’adolescence, elle fréquente les librairies et les bouquinistes tout en rêvant de travailler dans les eaux et forêts. Après un Bac D, elle échoue à intégrer Bio Sup mais est acceptée en Hypokhâgne. Cela suppose de s’inscrire à l’université. La famille ayant déménagé en Occitanie, elle choisit Toulouse – Le Mirail où on lui conseille les études d’allemand. Il n’y a pas de hasard dit-elle, même si on comprend plus tard pourquoi les choses arrivent. De son parcours, Hilda Inderwildi aime d’ailleurs surtout à raconter les rencontres qui l’ont menée au métier de chercheure. Rencontre avec la culture littéraire, théâtrale et artistique, qu’elle dévore lors d’une parenthèse de vie à Vienne en Autriche, après deux Khâgnes éprouvantes. Rencontre avec le grand germaniste Dominique Iehl, son directeur de thèse à Toulouse. Elle choisit de travailler sur la poésie fantastique d’Alfred Kubin à travers l’étude des dessins et du texte de l’auteur. Fantastique et grotesque dans l’hybridation, son sujet pose les bases de ce qui deviendra son domaine de prédilection : le croisement de la science et de la création. Hors des sentiers battus.

Avec toujours, précise-t-elle, le rapport au texte. Plus tard, Hilda Inderwildi se consacre à la traduction. Parallèlement à son métier d’enseignante, elle s’attaque notamment à l’œuvre monumentale de l’écrivain, plus connu en France en tant que réalisateur, Alexander Kluge, figure fondatrice du nouveau cinéma allemand. La traduction en français des milliers de pages de Chronique des sentiments, dont le troisième tome paraîtra prochainement aux éditions POL, réhabilite l’artiste allemand sur le terrain de la littérature en France, en même temps qu’elle propose une fresque contemporaine de son pays. Mettre à jour des expériences de vie à travers les écrits, avec la mémoire littéraire comme ligne de force, c’est aussi le cœur du programme de recherche « Patrimoines Nomades » qu’Hilda Inderwildi pilote depuis cinq ans avec Hélène Leclerc. Un programme lancé lorsqu’un jeune cinéaste – Xavier Delagnes (réalisateur du documentaire Loin de Verdun) – est venu lui demander de traduire les journaux intimes d’hommes et de femmes allemands, internés pendant la première Guerre Mondiale dans le camp de Garaison à Monléon-Magnoac dans les Hautes-Pyrénées. Des archives inédites dont l’étude scientifique fédère aujourd’hui 16 chercheurs du CREG des universités Toulouse - Jean Jaurès et Paul Valéry à Montpellier. Un projet incarné dans le territoire, se réjouit Hilda Inderwildi, et ouvert sur le monde : l’équipe de recherche est en lien avec d’autres laboratoires dans les pays de langue allemande mais aussi aux Pays-Bas et en Israël. Un blog a également été créé afin de retrouver les descendants des internés de Garaison. De ces parcours de vie, Hilda Inderwildi a pour ambition de tirer le fil et de retracer une histoire des migrations au début du XXe siècle. Toujours portée à poser un regard grand ouvert sur le monde.

 

Hilda Inderwildi : Maîtresse de conférences en études germaniques. Habilitée à diriger des recherches. Chercheure au Centre de Recherches et d'Etudes Germaniques (CREG) de l'UT2J. Traductrice. Dirige depuis janvier 2021 l’Ecole doctorale ALLPH@ (Arts, Lettres, Langues, Philosophie, Communication). Aime faire des livres : direction ou co-direction des collections « Nouvelles Scènes Allemand » (avec Catherine Mazellier-Lajarrige) et « Found in translation » aux Presses Universitaires du Midi, de la revue Cahiers d’études germaniques (avec Susanne Böhmisch) aux Presses Universitaires de Provence.