#17. Didier Galop, Terrien chercheur

Publié le 9 mai 2022 Mis à jour le 5 septembre 2022

Didier Galop enseigne la géographie de l’environnement et des paysages à l’UT2J. Directeur du laboratoire GEODE de l’UT2J pendant 10 ans, le chercheur spécialiste en palynologie, sonde les sols pour en extraire l’histoire des écosystèmes et de l’interaction de l’Homme avec son milieu.

Mon métier ? C’est raconter de belles histoires, sourit Didier Galop. Et c’est sous nos pieds que dorment les histoires qu’il rapporte. Une mémoire enfouie depuis des milliers d’années dans les couches de sédiments. Le chercheur la reconstitue et à travers elle, retrace l’histoire de la végétation. Mais pas seulement. Car ces sols sont aussi foulés par l’Homme, générant à partir du Néolithique ce que les sciences naturelles et la géographie appellent l’anthropisation. Ce sont ces trajectoires d’intervention humaines sur l’environnement que Didier Galop veut comprendre lorsqu’il carotte une tourbière ou le fond d’un lac. La connaissance de ces processus, il en est convaincu, est essentielle à la gestion environnementale d’aujourd’hui.

Le chercheur arpente principalement les milieux montagnards, notamment les Pyrénées où il a passé toutes ses vacances étant enfant, à suivre son oncle pédologue et géographe. A ses côtés, il découvre que les magnifiques paysages ont une histoire, et sont aussi des lieux de vie. Dès le départ, il y avait donc un terreau fertile à sa vocation : travailler dans l’environnement et en montagne. Après un Bac en Sciences Naturelles, il s’inscrit en Géographie à l’Université Toulouse-Le Mirail. A sa grande surprise – il se destinait à une formation en lycée agricole en Corrèze - la géographie lui plait, beaucoup. Il poursuit jusqu’en maîtrise, qu’il consacre à l’histoire des forêts ariégeoises. Là, survient une nouvelle évidence : il fera de la recherche. Parallèlement, il découvre les approches pluridisciplinaires sur l’anthropisation développées par le géographe Georges Bertrand (auteur de la méthode d'analyse Géo-système, Territoire, Paysage, et président de l’Université du Mirail de 1986 à 1991). Et envisage le potentiel contenu dans la recherche de sources très anciennes, que sont les archives naturelles.

Encore faut-il pouvoir les déchiffrer. Sur les conseils de son directeur de mémoire de DEA (Jean-Paul Métailié), Didier Galop se forme à la palynologie à l’Université Paul-Sabatier. Et c’est naturellement sur les terres pyrénéennes de son enfance qu’il effectue ses premiers carottages, retraçant dans sa thèse six millénaires d’anthropisation des Pyrénées de l’Est. Géographe, historien, paléoécologue, Didier Galop travaille la multidisciplinarité pour aborder l’anthropisation dans sa globalité. Car les environnements naturels dans lesquels nous vivons sont issus des activités humaines depuis 8000 ans. A l’instar des paysages des Pyrénées. Cet héritage doit être pris en compte si l’on veut en prendre soin. A fortiori lorsqu’il est vertueux. Et de citer l’exemple des tourbières : pour les protéger il faut mettre des troupeaux dessus et non les clôturer ! C’est pour suivre ces mutations et structurer la recherche dans les Pyrénées que Didier Galop monte en 2009 l’Observatoire Hommes Milieux Pyrénées Haut-Vicdessos (qu’il dirige encore aujourd’hui).

De la même manière, le chercheur s’intéresse depuis plusieurs années aux lacs d’altitude. Cet élément iconique de nos montagnes, dernier bastion d’une nature sauvage dans l’imaginaire du randonneur, a pourtant lui aussi été anthropisé. Le pastoralisme, l’alevinage (naturellement les lacs d’altitude sont apiscicoles du fait de la topographie et parce qu’aucun poisson n’est alpiniste, rappelle le chercheur…), les retombées azotées atmosphériques des fertilisations : introduits par l’homme ces éléments ont modifié l’écosystème des lacs, parfois même leur composition chimique. A cela s’ajoutent aujourd’hui les baignades estivales de plus en plus courantes en montagne. Jusqu’à 80 personnes par jour qui, en entrant dans l’eau détruisent les ceintures de végétation et introduisent des résidus anti-UV de crèmes solaires. Des UV essentiels au zooplancton et à l’oxygénation du lac. Cette histoire n’est pas connue, constate le chercheur, alors que les lacs de montagne sont aujourd’hui à leur tour menacés de réchauffement et d’eutrophisation. C’est ainsi que parallèlement à ses recherches, Didier Galop a fondé en 2013 l’Observatoire Pyrénéen des Lacs d’Altitude constitué d’un réseau d’une dizaine de sites instrumentés.

Co-fondateur d’un autre Observatoire en Patagonie, Didier Galop travaille également sur l’anthropisation à La Réunion ou encore aux Antilles. Médaillé de Bronze du CNRS à l’âge de 34 ans, le chercheur souhaite aujourd’hui mettre ses travaux au service des gestionnaires de l’environnement. Depuis 5 ans, il donne des conférences dans les mairies, pour sortir la connaissance scientifique des revues spécialisées et l’apporter aux acteurs locaux. Car dit-il, les enjeux environnementaux sont des enjeux sociétaux, et les scientifiques n’ont pas de droit à l’action, seulement le droit de constater et de transmettre pour aider à une gestion éclairée…

 

Didier Galop : Géographe, historien de l’environnement. Directeur de Recherche au CNRS. Médaillé de bronze du CNRS en 2001. Chercheur au sein du Laboratoire GEODE sur l’étude des relations et des co-évolutions environnement-sociétés sur la longue durée.
Directeur de l’Observatoire Hommes Milieux du Haut-Vicdessos LABEX DRIIHM. Co-Directeur de l’Observatoire Hommes Milieux Bahia Exploradores LABEX DRIIHM. Coordinateur de l’Observatoire des lacs d’altitude pyrénéens.
Enseignant : Master Géographie Aménagement Environnement et Développement (GAED) de l’UT2J.