#5 . Antonella Capra, chercheure passionnée

Publié le 28 avril 2021 Mis à jour le 5 septembre 2022

Antonella Capra enseigne l’italien, traduit des textes contemporains, édite de jeunes auteurs. Si l’amour de la langue et des mots sont au cœur de son métier, le théâtre en est le socle fondateur. Itinéraire d’une passionnée.

Capra
Antonella Capra se définit elle-même comme une chercheure qui papillonne hors de son bureau. Comme dans tout ce qu’elle entreprend, elle cherche le nectar. La précision du mot et de son intention quand il s’agit de traduire,  la mise en lumière et sous presse d’auteurs inédits quand il s’agit de transmettre, l’importance de l’oralité quand il s’agit d’enseigner une langue vivante, la sienne, l’italien.

Aux origines, il y a Milan, sa ville natale. Puis Parme où elle entame ses études. Antonella Capra grandit dans une atmosphère baignée par l’amour du théâtre. Sa mère et sa tante l’emmènent régulièrement assister aux spectacles. Le tout premier qu’elle découvre enfant la laisse subjuguée, debout au milieu du parterre : c’est L’Arlequin serviteur de deux maîtres de Carlo Goldoni, qu’elle reverra vingt ans plus tard avec la même fascination. Le théâtre a toujours été là, confie-t-elle. Et comme toute adolescente prise d’une passion, elle veut en faire son métier, se rêve comédienne. Ce seront finalement des études scientifiques au lycée, puis de langues et littérature étrangères à l’université. Elle choisit le français, plutôt que l’anglais, dès le collège. Sans doute influencée par l’affection particulière que sa famille a toujours nourrie pour ce pays voisin. Antonella elle, tombe amoureuse de la langue et de sa littérature. Elle ne renie pas pour autant sa première passion et obtient un job étudiant de placeuse au théâtre de Parme. Elle y apprendra beaucoup sur le jeu d’acteur et la mise en scène.

Un premier programme de mobilité avec Erasmus l’emmène en Normandie, un second, dans le cadre de l’assistanat, lui fait poser ses valises à Toulouse. Elle comprend alors qu’elle veut enseigner. Contrairement à ce qu’elle avait envisagé jusqu’ici, elle ne veut pas enseigner le français en Italie, mais sa langue natale à l’étranger. L’Université Toulouse - Jean Jaurès lui offre l’opportunité de passer son DEA, puis de faire une thèse en co-tutelle avec Parme. Elle s’intéresse à la traduction des expressions somatiques entre les langues française et italienne. « Avoir du pif », « les dents longues », « le cœur sur la main »… Ces expressions qui font référence au corps humain pour exprimer un trait de caractère ou une humeur. Là où le français utilise beaucoup le nez, l’italien lui préfèrera l’usage du foie, explique-t-elle. Comprendre une langue et ses expressions permet de la traduire avec finesse. Là réside toute l’expertise d’Antonella Capra, qui confie passer au peigne fin les traductions qu’on lui soumet. La langue est un jeu, c’est précisément ce qui fascine la chercheure.

Si ces premiers pas dans la recherche sont consacrés à l’analyse de la nouvelle et du roman italiens contemporains, les travaux actuels d’Antonella Capra intègrent désormais pleinement sa passion première, le théâtre. Le jeu des mots rend une langue vivante, le jeu de scène lui donne chair. La traduction théâtrale porte en elle ses propres exigences. Elle doit être pensée pour l’oral, fidèle à la prosodie créée par l’auteur, car elle sera dite dans le corps de l’acteur, explique Antonella Capra. Enjoliver, aplatir, vouloir faire une phrase correcte parce que la langue d’arrivée le demande est proscrit dans la traduction théâtrale. Même si elle est publiée.

Antonella Capra traduit et met en scène de jeunes dramaturges italiens inédits en France. C’est l’objectif que s’est fixée la compagnie universitaire I Chiassosi (Les Tapageurs) qu’elle dirige aujourd’hui et dans laquelle elle a aussi été comédienne durant ses études. Les textes sont ensuite publiés en bilingue aux Presses Universitaires du Midi. Son nouveau projet porte sur le théâtre politique contemporain mettant en scène le fascisme et le néofascisme italien. Ni militant, ni engagé, ce théâtre politique met en lumière des sujets anodins du quotidien et soulève des questionnements, sans donner forcément de réponses. Un champ de recherche inédit qui nécessite de produire un apparat critique et qui, pourquoi pas, aboutira à un livre sous forme d’essai critique. Le papillon prend un nouvel envol.

 

Antonella Capra : Maîtresse de conférences, enseigne l'italien, chercheure sur l'étude de la traduction des littératures contemporaines italienne et française, le roman et la nouvelle italiens contemporains, le théâtre italien contemporain, au sein du laboratoire "Il Laboratorio" de l'UT2J. Directrice de la collection bilingue "Nouvelles Scènes Italien" aux Presses Universitaires du Midi. Responsable de la compagnie universitaire I Chiassosi, dans le cadre du projet « Universcènes » de l’Université de Toulouse - Jean Jaurès.