#8 . Bérénice Bonhomme, chercheure créative

Publié le 30 juin 2021 Mis à jour le 5 septembre 2022

Bérénice Bonhomme a un objet de fascination, le cinéma. La chercheure s’intéresse à la façon dont l’outil technique et l’humain s’organisent et influent sur la création d’une œuvre cinématographique. L’enseignante forme les étudiants au montage. La spectatrice s’ennuie rarement devant un film. Rencontre.

BB
Elle a bien évidemment installé un écran de cinéma chez elle et peut aisément aller voir quatre films en salle dans une même journée. Placez devant elle une toile blanche et projetez quelque chose, elle sera, dit-elle, déjà très contente. Bérénice Bonhomme est ce qu’on appelle une passionnée, attrapée par le cinéma dès son enfance. Elle grandit en visionnant les innombrables films que sa grand-mère enregistre sur magnétoscope. Une véritable vidéothèque soigneusement répertoriée dans un fichier, où se côtoient Louis De Funès, Ingmar Bergman, Stanley Kubrick, ou encore Walt Disney… Si elle rêve de cinéma, la jeune femme lit et écrit aussi beaucoup. Elle se lance dans une double Licence de Littérature et d’Histoire. Elle tourne, réalise, et monte déjà des films mais les études de cinéma viendront plus tard, à Nice et à Paris, où elle obtiendra simultanément trois Masters (Recherche et Cinéma, Enseignement du cinéma, et Information Communication). Un parcours riche, multiple, brillant, guidé par le besoin de nourrir sa réflexion. Car ce qui l’intéresse, c’est la narration, la construction, l’enjeu de création. Et c’est par la création qu’elle arrivera à la recherche. Lorsqu’elle obtient son allocation de recherche doctorale, elle saute de joie et d’étonnement. Son sujet dit-elle, est un ovni : une thèse de cinéma dirigée par un professeur de Lettres. Elle porte sur le lien que le Prix Nobel de Littérature Claude Simon entretenait avec le cinéma, et l’influence de celui-ci sur l’œuvre de l’auteur.

Travailler sur le cinéma et en faire sont deux choses différentes. Deux lignes que Bérénice Bonhomme a d’ailleurs longtemps suivies en parallèle, ne pouvant concevoir sa recherche sans aller sur un plateau de cinéma. C’est à l’ENSAV de Toulouse, précurseur dans la création-recherche, qu’elle décroche un des rares postes de maîtresse de conférences dans son domaine, et alliera enfin les deux. Sa technicité – Bérénice Bonhomme supervise l’enseignement du montage – et ses recherches y sont complémentaires, indissociables. Aujourd’hui Bérénice Bonhomme est également membre junior du prestigieux Institut Universitaire de France. Son projet étudie le processus de création du film Persépolis, le passage d’une œuvre littéraire individuelle à une œuvre cinématographique réunissant 130 personnes. Ce qui fascine la chercheure c’est précisément l’articulation à la fois technique et humaine qui s’opère au sein d’une équipe de cinéma pour former un ensemble cohérent et aboutir collectivement à ce qu’a imaginé la créatrice de l’œuvre, Marjane Satrapi. Pour cela, Bérénice Bonhomme a déjà mené des centaines d’heures d’entretiens avec chaque membre de l’équipe du film, étudie leurs parcours, exploite un fonds documentaire conservé à la Cinémathèque Française, recueille les petits dessins d’atelier croqués pendant la production… Un énorme travail, qui permet de réfléchir à plein de choses, s’enthousiasme la chercheure.

Le cinéma, explique-t-elle, a ceci d’incroyable qu’il se construit avec des outils et avec des gens. Bérénice Bonhomme a ainsi étudié le travail du chef opérateur, l’un des postes les plus importants sur un plateau de cinéma, et la transition qui s’est imposée lors du passage au numérique.  Au-delà de l’esthétique, cette innovation technologique a aussi bouleversé la création au cinéma et obligé à expliciter les métiers, l’usage des outils, et le rôle de chacun dans une équipe. Ses recherches sont autant de pistes de réflexion que Bérénice Bonhomme transmet à ses étudiants. Elles donnent à réfléchir, pour ceux qui se destinent aux métiers du cinéma, sur leur future propre création autant que sur la façon dont ils travailleront au sein d’un collectif. Mais pas seulement. Comme pour tout art, à travers le cinéma, Bérénice Bonhomme étudie la façon dont la société se réfléchit. C’est, dit-elle, un enjeu depuis toujours, l’enjeu de se raconter, de raconter aux autres ce que l’on est. Ce n’est pas que du cinéma, c’est la vie...

 

Bérénice Bonhomme : Maîtresse de conférences en cinéma à l’École nationale supérieure de l’audiovisuel (ENSAV), UT2J, responsable du Master 1 Cinéma et Audiovisuel. Chercheure sur le processus de création dans le cinéma contemporain au sein du laboratoire LARA-SEPPIA et responsable de l’équipe LARA. Coresponsable avec Katalin Pór (Université de Lorraine, 2L2S) du programme de recherche La Création Collective au Cinéma. Membre junior de l’Institut Universitaire de France (IUF).