Emmeran Rollin, zoom sur un ancien étudiant

Publié le 15 avril 2020 Mis à jour le 5 mai 2020

Musicien et titulaire du grand orgue Jean Daldosso de Rocamadour, il est diplômé d'un M2 à la Sorbonne et d'une licence en musicologie à l'UT2J. Emmeran Rollin dirige depuis 2013 le Festival de musique sacrée de Rocamadour. En cette période de confinement, il continue de jouer dans la basilique, seul, et partage son répertoire sur les réseaux sociaux.

Emmeran Rollin - crédit photo Louis Nespoulous

Vous avez décidé de continuer à faire sonner l’orgue de la basilique Saint Sauveur pendant le confinement, pourquoi cette initiative ?

Quand on fait de la musique, c’est par passion, arrêter de jouer pour moi serait très compliqué. Et dans le cas de mon instrument, l’orgue, si on ne le fait pas jouer, il s’abîme. Pour qu’il fonctionne bien, il faut le jouer toutes les semaines. Pour faire circuler l’air dans les tuyaux. N’ayant évidemment pas mon instrument à la maison, je me déplace. J’habite à la campagne, donc je ne croise pas grand monde sur le trajet jusqu’à la basilique. Je fais trois ou quatre sessions d’enregistrement en une seule fois, et je diffuse un morceau par jour.

 

Parlons de votre parcours : Après le Conservatoire de Montauban et celui de Toulouse vous avez choisi de faire une licence de musicologie, pourquoi ? Et pourquoi le choix de l’université du Mirail ?

Après mon bac je suis allé à la fois au Conservatoire de Toulouse et à la faculté. La Licence de musicologie était un enseignement très complémentaire du conservatoire. L’une était vraiment théorique, l’autre dans la pratique de la musique. Pourquoi le choix du Mirail ? D’abord parce que je suis originaire de la région, mais là où j’ai eu beaucoup de chance c’est que Toulouse est la capitale européenne de l’orgue. Nous avons un patrimoine exceptionnel. Et des profs exceptionnels. Avec une classe de renommée internationale au Conservatoire. La Licence de musicologie du Mirail elle, était, et est toujours je pense, très réputée. C’est la meilleure de France avec celle de la Sorbonne. Il y a d’ailleurs un examen d’entrée pour s’assurer du bon niveau de base des étudiants. On savait que quand si on entrait on avait le prérequis pour devenir professionnel. En soi mes études universitaires ont duré 5 ans, une licence et deux années de master. Mais l’étude d’un instrument est forcément longue. Pour moi c’est quasiment quinze ans.

 

Comment s’est passé ce passage à l’Université du Mirail ? Quel souvenir en gardez-vous ?

Les années d’études c’est toujours quelque chose de magique. J’ai beaucoup appris auprès de profs excellents. L’histoire de la musique, l’analyse, l’écriture… Mes journées se partageaient entre ces deux lieux d’études : la faculté du Mirail et le Conservatoire. Et nous étions beaucoup d’étudiants musiciens à faire cela. A l’époque (en 2005), c’était encore l’ancien site de l’Université du Mirail. Je passais beaucoup de temps à la bibliothèque universitaire, un bâtiment très agréable pour travailler. Très calme. Et puis à la fin de mon Master 2 à la Sorbonne, je suis revenu à l’Université  Toulouse - Jean Jaurès, mais cette fois-ci en tant que prof à l’UFR de Musicologie et chef de projet musique au Ciam à la Fabrique. Le restaurant universitaire et La Fabrique avaient été construits. Donc j’ai vraiment vécu l’université à la fois comme étudiant et comme personnel de l’université.

 

L’orgue est un instrument bien particulier comment s’est faite la rencontre entre lui et vous ?

Enfant, il paraît je pouvais passer des heures devant l’enceinte à écouter de la musique. Et puis j’ai eu la chance de pouvoir monter à la tribune d’un orgue et de voir jouer un organiste. J’ai été fasciné par la puissance de l’instrument. Vers l’âge de 9 ans j’ai demandé à mes parents d’apprendre le piano. Je suis entré au conservatoire de Montauban et là, une classe d’orgue s’est ouverte. J’ai su très tôt que la musique ferait partie de ma vie. Même si je voulais faire plein de choses, philosophe, architecte… Mais je ne m’imaginais pas arrêter la musique. Et quand il a fallu choisir l’instrument que j’allais étudier de manière poussée j’ai choisi l’orgue.

 

En quoi consiste votre métier aujourd’hui ?

Je suis titulaire du grand orgue de la basilique de Rocamadour. Cela signifie que je suis le responsable de l'instrument. Celui qui vérifie que l’orgue est bien entretenu. Celui qui assure les prestations pour les offices religieux, les concerts, l’accueil des visites (Les secrets de l’Orgue de Rocamadour). J’accueille aussi d’autres organistes. Je donne des cours. Mon cas est un peu particulier, car l’orgue a été créé par l’association du Festival de Rocamadour. Donc je suis employé uniquement par le festival pour ma mission globale, et on loue l’orgue et l’organiste pour les offices. C’est un peu différent du fonctionnement habituel. Je dirige le festival depuis 2013. A mon arrivée, c’était l’année de l’inauguration de l’orgue dans la basilique. J’ai donc participé au montage de la partie sonore. Quand les tuyaux étaient installés il a fallu les régler, créer le son de l’orgue dans le lieu. Après on a développé tout ça et créé un projet culturel complet autour de l’orgue. On essaie de proposer des expériences autour de la gastronomie, sous les étoiles, dans le Gouffre de Padirac, etc… Historiquement, Rocamadour est un lieu de pèlerinage. La musique sacrée est la thématique principale du festival, mais globalement on est sur un répertoire classique.
 

Quel conseil donneriez-vous à un jeune qui veut devenir organiste ?

Aujourd’hui, il n’y a pas de grands débouchés professionnels pour les organistes. Ce qui fait que la majorité d’entre eux fait un autre boulot. Comme moi je suis directeur d’un festival. En France beaucoup d’orgues se trouvent dans les églises. Mais être musicien d’église cela ne permet pas de vivre. Les concerts d’orgues non plus. Ceux qui y arrivent se comptent sur les doigts d’une main. Ce que je conseillerai, c’est d’avoir un parcours complet, c’est à dire pas seulement des études d’orgue. Et si on veut avoir un bon niveau, il va falloir beaucoup travailler parce qu’on aura un double cursus. Durant mes 5 années d’études, tous les jours c’était 8h – 22h. Entre le conservatoire, les études d’orgue, la fac de musicologie, le master administration et gestion d’évènements culturels, ça demande un gros travail. Après, quand on veut devenir professionnel, un lieu d’étude comme Toulouse, c’est exceptionnel.

Confinement : Ecouter le grand orgue de Rocamadour par Emmeran Rollin

Le festival Rocamadour - 15 au 26 août 2020


© Louis Nespoulous