#6 . Jeanne Fremolle-Kruck, chercheure déterminée

Publié le 31 mai 2021 Mis à jour le 31 mai 2021

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JTK
Jeanne Fremolle-Kruck enseigne aux étudiants les différents troubles du spectre de l’autisme (TSA), et leur apprend à les repérer et les accompagner. Parallèlement, elle travaille à la recherche de nouveaux outils pour affiner le diagnostic des TSA, notamment chez la femme adulte. Et œuvre pour sortir l’autisme des eaux troubles…

On travaille rarement sur l’autisme par hasard. C’est pourtant ce qui est arrivé à Jeanne Fremolle-Kruck. Et la rencontre fut une évidence. Adolescente elle s’imaginait plutôt pédiatre. Aujourd’hui, elle codirige l’unique Master en France dispensant une formation complète aux troubles du spectre de l’autisme (TSA), et ouvre de nouvelles voies de recherche dans le diagnostic des TSA. Car Jeanne Fremolle-Kruck n’envisage pas l’autisme comme une fatalité. On peut toujours progresser affirme-t-elle avec conviction.

Jeanne Fremolle-Kruck a toujours su qu’elle travaillerait sur le handicap. Au sortir du lycée, elle s’inscrit en Psychologie à l’UT2J, dans l’espoir d’intégrer plus tard une formation spécialisée. Elle ne se doute pas que c’est là que toute l’aventure commencera. Elle passe aisément les trois premières années universitaires. Arrivée en Maîtrise, elle entame son mémoire en binôme avec une autre étudiante. Mais cette dernière abandonne le projet en milieu de parcours. Ne pouvant poursuivre le travail seule dans les délais, et faute de moyens financiers pour redoubler, Jeanne Fremolle-Kruck se retrouve dans la triste perspective de devoir réorienter ses projets.  

 « Fort heureusement, chaque réussite est l'échec d'autre chose » disait Jacques Prévert. Au culot, l’étudiante décide d’aller voir l’une de ses professeurs pour tenter d’obtenir un nouveau sujet et boucler sa maîtrise en quelques mois. Elle s’adresse à Bernadette Rogé, qui vient de créer et dirige une unité d’évaluation de l’autisme au CHU de Toulouse. Cette dernière accepte et lui donne rendez-vous trois jours plus tard à l’Hôpital de la Grave. Jeanne Fremolle-Kruck ne connait rien à l’autisme. C’est une évidence. Elle se sent instantanément à l’aise. L’étudiante restera six ans dans cette unité à travailler aux côtés de Bernadette Rogé. Entre temps, elle obtient son DEA, rencontre de très grands spécialistes comme Eric Fombonne et Mickael Rutter qui la forment au diagnostic de l’autisme, soutient sa thèse, puis démarre une activité libérale. La pratique clinique lui plaît, mais la recherche lui manque. Le terrain confronte aux limites de l’exercice et Jeanne Fremolle-Kruck n’est pas du genre à renoncer devant les obstacles.

La difficulté réside dans la variabilité des troubles du spectre de l’autisme (TSA) et dans la comorbidité. Une dépression peut être associée à l’autisme, mais on peut aussi diagnostiquer une dépression alors qu’il s’agit d’un TSA. Les outils de diagnostic utilisés aujourd’hui ne sont arrivés que tardivement en France (en 2013), grâce aux traductions faites par Bernadette Rogé et son équipe. C’est elle qui a importé l’ADI-R (Autism Diagnostic Interview-Revised)  et l’ADOS (Autism Diagnostic Observation Schedule) dans l’Hexagone. Les travaux de Jeanne Fremolle Kruck cherchent à en créer d’autres, qui permettront de différencier plus finement l’autisme des pathologies proches ou similaires. Le diagnostic différentiel est indispensable afin d’éviter les erreurs de prise en charge. Jeanne Fremolle-Kruck s’intéresse également à l’autisme chez la femme adulte. Très longtemps, explique-t-elle, les femmes n’étaient pas diagnostiquées car les caractéristiques sont plus discrètes, elles peuvent compenser certaines difficultés sociales et passer inaperçues. Il s’agit de déterminer le profil de ces femmes au niveau cognitif, sensoriel et dans leur façon de traiter l’information sociale, pour pouvoir mieux les accompagner. Le domaine de recherche sur l’autisme est vaste, tant la variabilité est grande dans l’expression de la symptomatologie. Et nécessite d’avoir un maximum de profils d’étude. Pour avancer dans ses travaux, le laboratoire de Recherches en Psychopathologie et Psychologie de la Santé (CERPPS) de l’UT2J recherche régulièrement des personnes autistes volontaires.
Si la recherche avance à petits pas, le monde médical traine encore des pieds. Les thérapeutes formés au diagnostic de l’autisme sont encore trop peu nombreux, déplore Jeanne Fremolle-Kruck. L’autisme est même très peu abordé en Médecine. Le seul endroit où les étudiants y sont sensibilisés reste l’université. L’autisme est généralement intégré à un Master handicap. Le Master Autisme et troubles neuro-développementaux proposé à l’UT2J, est à ce titre une référence. Et contribuera, espère la chercheure, à modifier des trajectoires de vies liées à l’autisme.

Jeanne Fremolle-Kruck : Enseignante chercheure au Centre d’Etudes et de Recherches en Psychopathologie et Psychologie de la Santé (CERPPS) de l’UT2J. Maîtresse de Conférences en psychopathologies développementales. Habilitée à diriger les recherches. Psychologue clinicienne.


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