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Anne-Sophie Giraud, chargée de recherche au laboratoire LISST obtient la médaille de bronze du CNRS 2023

Publié le 14 avril 2023 Mis à jour le 14 avril 2023

Avec elle, l’anthropologie du proche défendue et primée

La médaille de bronze récompense les premiers travaux consacrant des chercheuses et des chercheurs spécialistes de leur domaine. Cette distinction représente un encouragement du CNRS à poursuivre des recherches bien engagées et déjà fécondes.
Fécondes, cela va sans dire. Anne-Sophie Giraud, chargée de recherche au laboratoire LISST, est spécialiste de l’anthropologie de la personne et du corps, ainsi que des techniques de procréation assistée.
 

Parcours linéaire pour prendre de la distance avec notre quotidien

Animée depuis toujours par l’envie de comprendre nos modes de vie en rendant étranger ce qui nous est, au premier abord, commun, Anne-Sophie Giraud a obtenu une licence et un master en anthropologie à l’Université de Provence.
Elle entame ensuite un travail de thèse en anthropologie à l’EHESS Marseille, encadrée par deux sociologues, Irène Théry et de Dominique Memmi, sur la construction du statut de personne au cours de la grossesse en s’intéressant plus particulièrement aux cas de l’embryon in vitro et du fœtus mort. Soutenue  en 2015, le manuscrit de la thèse sera publié cet été.
Désireuse de s’inscrire pleinement dans sa discipline, elle enrichit son parcours de deux expériences de post-doctorats effectués à Lille et à Londres. Le premier centré sur la période pré greffe des personnes atteintes de mucoviscidose et le second, en étude des sciences et des techniques, sur la sélection d’embryons. Dans les deux cas, elle accompagne professionnels et patients dans leurs réflexions et analyse les critères en jeu.
Recrutée au CNRS en 2018, elle intègre en suivant le laboratoire LISST, équipe CAS - Centre d'Anthropologie Sociale, dont elle prend la direction en 2020, une équipe qui se structure et va s’étoffer de nouveaux projets et membres ces prochaines années, œuvrant ainsi à une meilleure visibilité de la discipline et de l’anthropologie du proche notamment.
 

En immersion active dans le milieu médical

Adoptant une perspective globale sur le statut de personne, Anne-Sophie Giraud axe désormais son travail sur les techniques de procréation dites sélectives : le diagnostic préimplantatoire et le diagnostic prénatal. Tout de suite happée par le sujet, elle apprécie particulièrement de travailler auprès des professionnels de santé, d’entrevoir ce qui est habituellement opaque du milieu médial tout en s’intéressant aux expériences des familles. Cela ouvre un espace de dialogue sur des questions très intimes liées à l’infertilité, à la procréation, au deuil périnatal.
Nourrissant son travail d’observations sur le terrain et d’entretiens, elle a, pour exemple, enquêté pendant 6 mois dans le centre de diagnostic préimplantatoire de Nantes. Réalisant des observations de consultation de patients, examinant les techniques de laboratoire comme les biopsies d’embryons ou des analyses génétiques, assistant à des réunions d’équipe pour étudier la possibilité de recours au diagnostic pré-implantatoire, menant des entretiens auprès de professionnels et des patients, Anne-Sophie Giraud peut ainsi saisir les marges d’appréciation laissées aux professionnels de santé et l’adaptabilité de cette procédure aux situations particulières des patients.
 

Déconstruire et construire à plusieurs

Si la médaille de bronze CNRS vient saluer le sérieux de ses recherches, ce pour quoi elle est très reconnaissante, Anne-Sophie Giraud entend surtout qu’elle serve à donner plus de visibilité à la discipline et au collectif associé. Elle défend en effet une vision collective de la recherche, enrichie d’interactions et de projets partagés.
Pour cela, elle assure la coordination du projet NorPro. Financé par l’ANR jusqu’en 2026, le projet a pour objectif de questionner les dilemmes éthiques et pratiques autour des interventions scientifiques et techniques dans la procréation. Il entend documenter et interroger la façon dont l’ensemble des protagonistes des techniques procréatives négocient, en pratique, les termes de l’acceptable procréatif. Dans une démarche ethnographique, l’équipe composée également de Léa Linconstant, Jennifer Merchant, Anaïs Martin et Jérôme Courduriès, s’intéressera aux dimensions concrètes des dilemmes éthiques et pratiques posés par le don de gamètes, le diagnostic préimplantatoire et prénatal, l’édition génomique, la médecine périnatale et la gestation pour autrui.

Anne-Sophie Giraud a aussi cofondé avec des amies et collègues le groupe d'étude EnCoRe autour de l'approche relationnelle du corps et de l'engendrement. Conçu comme un véritable espace d’entraide, d’écoute et de travail collectif, le groupe EnCoRe leur permet de mener une réflexion commune autour d’une approche dite relationnelle et de leurs objets communs. Dans un cadre amical et compréhensif, les membres relisent et coécrivent des travaux, coordonnent ensemble des publications et elles animeront aussi en juillet prochain un atelier lors du 3e Congrès international sur les études de genre, à l’UT2J.

La recherche en anthropologie de la procréation s’intensifie et Anne-Sophie Giraud a à cœur de continuer à entretenir cette émulation collective, nécessaire pour éviter une pensée circulaire.


Crédit photo
©David Villa ScienceImage CBI CNRS