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Article du laboratoire TRACES dans la revue Nature Communications
Jean-Marc Pétillon, membre du laboratoire TRACES* de l’UT2J (entre autres) et chercheur au CNRS, vient de publier, avec son équipe internationale**, un article dans la revue Nature Communications. Ces résultats apportent un nouvel éclairage sur l’écologie des cétacés et des groupes humains à cette période.
L’article présente leurs travaux menés sur l'exploitation des baleines à la fin du Paléolithique supérieur en Europe. Il traite notamment de l’utilisation par les populations préhistoriques de chasseurs-cueilleurs nomades des os des cétacés pour fabriquer leurs outils et leurs armes.
Les plus anciennes traces d'outils fabriqués à partir d'os de baleine
Les chasseurs-cueilleurs vivant autour du Golfe de Gascogne il y a 20 000 à 14 000 ans ont utilisé les carcasses de cinq espèces de baleines pour fabriquer des outils en os, et probablement y prélever d’autres ressources (graisse, fanons…).
Après avoir atteint un minimum il y a 20 000 ans, le niveau de la mer remonte de plus de 100 m à la fin de la dernière glaciation, submergeant les côtes fréquentées par les chasseurs-cueilleurs du Paléolithique. Pour cette période, on connaît donc mal l’écologie du littoral et des espèces marines, mais aussi la façon dont les produits de la mer étaient utilisés par les humains. Ainsi, ces derniers sont encore souvent vus comme des chasseurs de grands herbivores terrestres.
Mais depuis une vingtaine d’années, cette image change peu à peu grâce à l’identification et à l’analyse d’objets issus du littoral et retrouvés à l’intérieur des terres. En Europe de l’Ouest, pour la fin du Paléolithique (période du Magdalénien, il y a 21 000 à 14 000 ans), on sait désormais que les chasseurs-cueilleurs consommaient aussi poissons et oiseaux de mer, mollusques et mammifères marins.
Cinq espèces de grands cétacés identifiées
Une équipe internationale vient d’apporter une contribution importante à ces nouvelles perspectives en couplant plusieurs méthodes (paléoprotéomique, géochimie isotopique, datation radiocarbone) appliquées directement sur 70 outils en os de baleine issus de sites du Sud-Ouest de la France et du Nord de l’Espagne, ainsi que sur 60 petits fragments de côtes et vertèbres de baleine venant d’une grotte du Pays Basque espagnol.
Au moins cinq espèces de grands cétacés ont été identifiées : rorqual commun, baleine bleue, baleine grise, cachalot, baleine franche et/ou baleine boréale. Ces espèces avaient des pratiques alimentaires assez proches de celles d’aujourd’hui. Elles offrent un aperçu inédit de la diversité des baleines dans le Golfe de Gascogne à cette période, et présentent des analogies avec les communautés arctiques actuelles. Ce sont manifestement des individus échoués qui ont ainsi été exploités, entre au moins 20 000 et 14 000 ans avant le présent. Leur utilisation incluait la récupération d’os, mais aussi d’autres ressources comme la graisse et les fanons.
Si cette étude montre la diversité des cétacés dans l’Atlantique nord-est au Pléistocène, elle présente également l’ampleur des changements introduits par la pression anthropique sur les écosystèmes marins aux époques historiques.
Lire l’article : Nat Commun. 2025 May.
Référence de la publication :
McGrath K, Van der Sluis LG, Lefebvre A, Charpentier A, Rodrigues ASL, Álvarez-Fernández E, Baleux F, Berganza E, Chauvière FX, Dachary M, Duarte Matías E, Houmard C, Marín-Arroyo AB, de la Rasilla Vives M, Tapia J, Thil F, Tombret O, Torres-Iglesias L, Speller C, Zazzo A, Pétillon JM. Late Paleolithic whale bone tools reveal human and whale ecology in the Bay of Biscay.
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* Travaux et Recherches Archéologiques sur les Cultures, les Espaces et les Sociétés du CNRS / Université Toulouse Jean-Jaurès / Ministère de la Culture / EHESS / INRAP
** Cette étude est le fruit d’une collaboration entre plusieurs institutions : le CNRS, le Muséum national d’histoire naturelle, les universités de Barcelone (UAB), de Cantabrie (UC), de Colombie-Britannique (UBC), de Montpellier (UPV), de Toulouse - Jean-Jaurès (UT2J) et de Vienne (Universität Wien), avec des financements de l’Agence nationale de la recherche (ANR-18-CE27-0018) et de l’Union européenne (PCI2021-122053-2 B et HORIZON-MSCA-2021-PF-01-101059605).
Pointe de projectile en os de baleine grise du site landais de Duruthy, datée entre 18 000 et 17 500 ans. @A. Lefebvre