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Clap de fin pour le projet MAP !

Publié le 13 juin 2023 Mis à jour le 29 juin 2023

Le projet ERC Advanced Grant « MAP », pour Mapping Ancient Polytheisms, a débuté en octobre 2017 et s’achève ce mois-ci. L’ambition de MAP est surprenante : cartographier les dieux antiques sur le web ! Rencontre avec Corinne Bonnet, porteuse du projet et professeure d’histoire grecque au sein du laboratoire PLH.



Le principe général de « Mapping Ancient Polytheisms. Cult Epithets as an Interface between Religious Systems and Human Agency » s’explique en trois volets :  relever la présence des dieux antiques dans un endroit du monde antique en analysant leurs appellations dans les sources disponibles, rentrer les références dans une base de données pour répertorier les occurrences de chaque dieu accompagné d’une qualification et générer des cartes à partir de cet inventaire pour avoir une vision d’ensemble.

Mais cela semble bien trop simple et bien trop imprécis… 
 

Un projet au carrefour des civilisations

 
Corinne Bonnet a défini le cadre général de l’étude selon une période, un lieu et un objet : de 1000 ans avant notre ère à l’an 400 environ, dans le monde grec et le monde sémitique de l’ouest, à la recherche des noms des dieux. L’historienne rappelle que la religion est une pratique sociale qui, dans l’Antiquité, se trouve partout. 
 
« La dimension quotidienne de la religion, dans les banquets, les mariages ou les funérailles, est accessible à travers les appellations des dieux : en les nommant, les hommes et les femmes ajoutaient volontiers un ou plusieurs qualificatifs qui nous renseignent sur les traditions culturelles et sur le degré de proximité entre les humains et le divin. » 

L’équipe MAP analyse donc les inscriptions où le nom d’un dieu apparaît avec un qualificatif au moins : ces éléments forment une « séquence onomastique divine », qui comporte généralement deux ou trois termes… et jusqu’à 143 éléments pour la séquence la plus longue à ce stade ! 
En cinq ans de travail, ce sont plus de 17 600 inscriptions renfermant près de 22 000 noms de dieux qui ont été étudiées pour en apprendre davantage sur la manière de communiquer avec les dieux.
 
« Il existe une grande variabilité dans ces séquences onomastiques divines : outre les appellations traditionnelles, on trouve aussi des appellations personnalisées. Pour donner un exemple, on écrivait « Grand Zeus », « Mon Zeus », « Zeus protecteur de tel endroit », ou encore « Zeus du temple construit par telle famille » … ces artefacts onomastiques sont des trésors de créativité ! »

Un exemple qui concerne Zeus… à multiplier par le nombre de dieux dans les cultes envisagés pour se faire une idée de l’ampleur du travail fournit par toute l’équipe !

Les dieux antiques à l’ère du numérique

 
Pour abriter toutes ces données, l’équipe a créé une base de données qui contient toute une série de caractéristiques sur les dieux et les hommes qui les mobilisent. Corinne Bonnet souligne la richesse des compétences disponibles dans notre université pour l’aider à concevoir cet outil. La chercheuse et son équipe ont pu solliciter l’aide de chercheurs en linguistique, archéologie, sociologie, et informatique, pour répondre aux impératifs scientifiques de la recherche comme aux impératifs pratiques du fonctionnement et de la gestion d’une base de données accessible en ligne. 
 
« On est sorti de notre zone de confort pour ce projet, très clairement. Nous avons pu le faire parce que nos collègues ont répondu à nos questions, et je les en remercie de nouveau ! Car ce n’est pas qu’une question technique d’informatique et de gestion des données. Il faut d’abord déterminer nos critères de référencement : par date ? par langue ? par dieu ? par ville ? Comment créer des catégories signifiantes sans déconstruire le vaste réseau que tissent ces cultes antiques ? »

La base de données MAP est consultable en ligne depuis février 2021, moyennant l’ouverture d’un compte.
Au 30 juin 2023, la base de données sera  en open access sans mot de passe, ouverte à tous les curieux !

Cinq interfaces, plus ou moins avancées, s’offrent à l’utilisateur : depuis une interface de type « google » pour les questions générales, selon une grille de critère simple ou plus avancée, selon une formule qui clarifie la structure des séquences onomastiques ou encore avec une requête SQL.

Et si on vérifiait qu’Athéna est bien la déesse protectrice d’Athènes ? 

La communauté des « Mappien.ne.s » 

 
Si la pluralité est au cœur de l’étude scientifique, c’est parce qu’elle est dans l’identité même du projet. En expliquant les avancées et les résultats obtenus par MAP, Corinne Bonnet fait le récit d’une aventure humaine très riche en rencontres. 

Au cours de ces cinq années, une quinzaine de personnes (chercheur.e.s, post-doctorant.e.s, ingénieurs de recherche, et coordinatrices) ont travaillé quotidiennement sur le projet MAP. Vingt chercheurs invités ont contribué à l’enrichissement de la base de données et ont éclairé le projet de leurs lumières. Plus de quarante stagiaires, lycéens.nes, étudiants.es et doctorants.es, sont également passés par MAP, pour découvrir et/ou se former aux missions de recherche. Pour découvrir l'équipe, rendez-vous sur MAP !

Au terme du projet, Corinne Bonnet se dit heureuse du travail accompli, fière de son équipe, qu’elle nomme affectueusement les « Mappien.ne.s ».
 
« Le projet a toujours été collectif. C’était important pour moi que toutes les décisions soient prises d’un commun accord. On a avancé ensemble et je suis impressionnée par l’énergie que chacun.e a investi dans le projet ! Malgré un rythme de travail très soutenu, on a réussi à s’adapter pour surmonter toutes les difficultés, comme la crise du covid… Aujourd’hui, je me sens très reconnaissante : c’est une équipe fabuleuse ! »
Si le projet MAP s’achève, la base de données est destinée à prospérer et le réseau de chercheurs également. Nul doute que ces « mappiens.nes » continueront à faire vivre ce nouvel outil de la recherche !