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Approches philosophiques du viol et dialogues interdisciplinaires

Publié le 28 mars 2025 Mis à jour le 28 mars 2025
du 19 mai 2025 au 20 mai 2025
9h - 18h
UT2J - Maison de la Recherche - Salles D30 et D31

Colloque international organisé par le laboratoire ÉRRAPHIS - Partie 2

Le viol demeure encore impensé pour la philosophie, à l’exception notable des autrices, militantes et philosophes féministes qui ont opéré un véritable tour de force, en conceptualisant les enjeux ontologiques, éthiques, politiques, géopolitiques et sociaux, juridiques, symboliques et épistémiques, de la violence patriarcale, ordinaire et meurtrière, intime et structurelle, omniprésente ou « atmosphérique », et pourtant déniée, ensilencée. Le viol constitue le pendant répressif d’une « contrainte à l’hétérosexualité » à laquelle sont soumises les femmes, d’une matrice hétéronormative assignant les minorités sexuelles et de genre, les minorités raciales et les corps colonisés, à des vies rendues à proprement parler invivables, violentables et sans défense. Il est une modalité d’objectivation et d’appropriation collective du corps des femmes et des enfants. Un des enjeux majeurs a été de défaire le lien inextricablement maintenu entre violence et sexualité (sexualité consentie ou non, tarifée ou échangée, bonne ou mauvaise, romantisée ou sadisée), ainsi que de dévoiler l’intrication entre le sexe, la race et la classe, ce « pornotrope » qui fait de l’érotisation et de la dé/sexualisation des corps une praxis de domination. Dispositif disciplinaire de pouvoir discursif et matériel, le viol nécessite d’élaborer des outils critiques pour ressaisir l’ontologie politique de la violence, comme les catégories juridico-géopolitiques qui la définissent. Il marque aussi la difficulté de faire rentrer dans le champ de la philosophie le récit de soi et le témoignage personnel dans toute la diversité de leurs formes et de leurs provenances, ainsi que le point de vue de l’expérience incarnée, fût-elle vécue en première personne ou sur le mode de l’empathie, faisant durablement obstacle à l’approche philosophique du viol – des obstacles qui ont commencé à être levés avec les outils des épistémologies critiques et des phénoménologies de la narrativité. Ce colloque s’inscrit dans une appréhension de la philosophie comme devoir vital de (re)penser, qui constitue la démarche même d’une grande partie du corpus de référence. Le viol devient ainsi non seulement un objet philosophique à part entière, mais un objet urgent et fondamental qui bouscule les approches communément admises de l’identité personnelle et de l’unicité du je, de la mémoire et de l’oubli, du récit de soi, du rapport entre expérience, perception et souvenir. Ce faisant, la pensée du viol engage la refondation du sujet philosophant même, tout autant que du sujet politique, et féministe en particulier. Ce colloque s’inscrivant
dans une longue tradition de pensée féministe, il permettra de célébrer les cinquante ans de la publication de l’ouvrage pionnier de Susan Brownmiller, Against Our Will. Men, Women and Rape (1975, encore inédit en français). Il entend aussi travailler en assumant le retentissement médiatique international du procès de Mazan en 2024, et participer à la politisation du fait massif, total, des viols incestueux, des viols sur mineur.e.s (par exemple, dans la relation pédagogique, comme le révèle le scandale d’État de Bétharam en France), ainsi que des agressions sexuelles banalisées dans la relation thérapeutique (comme en témoignent les violences gynécologiques, notamment). Objectiver et théoriser le viol dans le cadre universitaire est un moyen de résister à l’oubli, au déni et aux requalifications de ces évènements sociétaux et historiques en « faits divers ». Durant ces quatre journées, nous souhaitons avant tout faire un état des lieux – sans prétention d’exhaustivité – des problématiques, des concepts et des outils d’analyse permettant de penser le viol depuis la philosophie sociale et politique, la philosophie du droit et des théories de la justice, la phénoménologie du corps et de l’intersubjectivité, ainsi que l’épistémologie historique de la victimologie et du trauma.
 
(Programme des quatre journées à venir)

Un dispositif de veille et d’accompagnement, et si besoin d’écoute, pour les invité.es et le public, sera mis en place grâce au partenariat noué avec l’association La Valise (Toulouse), La Valise – Accompagnement, dialogue et justice réparatrice