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[Prix] Sandrine Costamagno (TRACES) Médaillée d’argent du CNRS !

Publié le 19 mai 2022 Mis à jour le 13 juin 2022

Toutes nos félicitations ! Mais qu’est-ce que la médaille d’argent CNRS ? Qui est Sandrine Costamagno ? Et que fait-elle au juste ? La chercheuse nous explique tout !


Chaque année, le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) attribue des médailles aux « talents » qui contribuent de manière exceptionnelle au dynamisme et à la renommée de l'institution et de la recherche française. La médaille d’argent distingue des chercheurs et des chercheuses reconnus sur le plan national et international, pour l'originalité, la qualité et l'importance de leurs travaux. Cette année, Sandrine Costamagno, directrice de recherche au laboratoire TRACES, a vu ses travaux d’archéozoologie récompensés. 



Médaille d’argent pour parcours en or ! 


Sandrine Costamagno est une chercheuse passionnée qui explique avec enthousiasme son objet d’étude : les relations entre les humains et les animaux, en l’occurrence les grands mammifères, durant les temps préhistoriques du Paléolithique moyen et du Paléolithique récent, et plus spécifiquement dans la région du sud-ouest de la France. Elle confie avoir su très tôt qu’elle voulait devenir archéologue, passionnée qu’elle était par nos lointains ancêtres africains, les australopithèques. Ayant un profil plus « scientifique » que « littéraire », Sandrine Costamagno a donc débuté sa formation universitaire par des études en sciences de la Terre à Marseille, avant de lier ses connaissances à ses aspirations en rejoignant une formation en anthropologie et préhistoire, à l’université de Bordeaux 1 où elle a soutenu sa thèse en Préhistoire et Géologie du Quaternaire sur les stratégies de chasse à la fin du Paléolithique. 
 
« Lors de mes premiers chantiers de fouille comme bénévole, j’ai vite senti que j’avais plus d’attrait pour les vestiges osseux que pour les silex. Mais puisqu’on ne retrouve qu’assez peu d’ossements de nos ancêtres, je me suis intéressée à ceux des animaux, qui étaient leurs proies : c’était le point de départ de ma thèse. Essayer de comprendre, à partir des traces que nous retrouvons sur les ossements, comment et pourquoi ces animaux avaient été chassés. »
 

L’archéozoologie où comment faire « parler » les restes osseux

© Guilhem Constans
 
Pour vous donner une idée, nous sommes dans le sud-ouest français, entre 17000 et 12000 ans avant notre ère. Tous les hommes que vous pourriez rencontrer sont encore des chasseurs-cueilleurs. Il fait très froid, environ dix degrés de moins que nos moyennes actuelles. Le paysage ressemble à une steppe froide qui n’a pas d’équivalent écologique actuel : c’est « la steppe à mammouths » où se côtoyaient de nombreux herbivores grégaires. Voici l’ambiance de ces temps lointains, qui aux alentours de 13000 ans avant notre ère connaît un réchauffement qui aboutira aux conditions climatiques de l’Holocène.  

Sandrine Costamagno nous apprend que les chasseurs-cueilleurs se nourrissaient alors de rennes, de chevaux, de bisons ou encore d’antilopes saïga, petit ongulé qui vit encore actuellement dans les steppes sèches d’Asie centrale. Et c’est là que toutes les questions surgissent : comment chassaient-ils ? Avec quelles armes et selon quelles techniques ? Combien d’animaux étaient abattus au cours de ces chasses ?  Avec quels objectifs ? A quelle(s) saison(s) ? Que consommaient-ils ? Avaient-ils des préférences gustatives ? des tabous alimentaires ? Récupéraient-ils les peaux ? De quelles façons et dans quel but ?…
 
« Mes travaux ont d’abord permis de révéler que ces derniers chasseurs-cueilleurs d’Europe n’étaient pas des chasseurs de rennes exclusifs contrairement à une idée encore largement acceptée à la fin des années 1990. En travaillant après ma thèse sur les Néandertaliens, j’ai pu montrer combien ces humains étaient des chasseurs accomplis, parfaitement adaptés à leur milieu. Sur une site charentais occupé il y a environ 60000 ans, plusieurs indices archéozoologiques m’ont ensuite permis de montrer qu’ils maîtrisaient certaines techniques de stockage bien avant l’arrivée de notre espèce en Europe. Cela rabat pas mal les cartes quant à l’organisation sociale et économique de ces populations. »

 

Mais qui voit la médaille perçoit le travail… en équipe !

© CPRS - UT2J
 
Ces résultats sont allés de pair avec une montée en expertise sur l’étude des vestiges osseux et un renouvellement des problématiques de recherche qui s’élargissent désormais aux rapports entretenus avec les animaux au-delà des sphères alimentaire et technique.  

Des fouilles aux analyses en laboratoire, de la taphonomie (étude des processus du passage d’un organisme à l’état fossilisé) à l’ethnoarchéologie, de l’anatomie comparée à l’étude des traces, les recherches de Sandrine Costamagno font appel à un grand nombre de compétences et, lorsqu’elle présente son parcours et ses recherches, c’est sur le mode d’une succession de rencontres humaines, de travaux collectifs et de partage de connaissances. 
 
« Dans le cadre du projet collectif et interdisciplinaire « Des Traces et des Hommes » qui a duré plus de 10 ans, nous avons mené toute une série d’expériences de boucherie sur différentes espèces animales à l’aide de répliques d’outils préhistoriques. Sur la base de ce référentiel expérimental, nous avons pu proposer une nouvelle méthode de lecture des os très fine qui nous renseigne sur les techniques de boucherie des chasseurs-cueilleurs. La première étape est bien sûr de pouvoir identifier précisément ces traces. La deuxième étape est d’identifier les ressources animales recherchées (peau, viande, tendon, moelle…). La troisième étape est de restituer les gestes du boucher afin de discuter d’éventuelles traditions techniques dans la façon de découper les proies. Chacune de ces étapes nécessite un nouveau regard sur l’objet, des techniques et des savoirs spécifiques. Je n’aurais rien pu faire seule… » 

Sandrine Costamagno précise que cette médaille d’argent récompense également notre université, qui lui donne les moyens matériels d’effectuer ses analyses mais aussi lui permet de transmettre sa discipline aux jeunes étudiant·e·s, le laboratoire TRACES et sa plateforme Archéosciences où se situe l’ostéothèque essentielle à toute étude archéozoologique, et l’ensemble de ses collègues qui enrichissent au quotidien sa réflexion par leurs compétences personnelles et la volonté commune d’une recherche collective et collaborative.
 
« C’est bien sûr très valorisant d’être reconnu pour son travail mais cette médaille est avant tout le fruit de rencontres qui ont jalonné ma carrière. Tout d’abord ma directrice de thèse Françoise Delpech, mes collègues de TRACES ou d’ailleurs, les doctorants et doctorantes que j’ai encadrés et que j’encadre encore pour certains. Clément Birouste, William Rendu, Marie-Cécile Soulier forment l’avenir de l’archéozoologie. J’ai une pensée tendre et émue pour Emilie Campmas, jeune chargée de recherche au CNRS que j’ai eu le privilège de former. L’ostéothèque de TRACES sera prochainement renommée en sa mémoire. »