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Quand les SHS de l’UT2J… étudient notre santé !

Publié le 14 juin 2022 Mis à jour le 21 juin 2022

Fin mars dernier, l’acteur américain Bruce Willis annonçait mettre un terme à sa carrière pour cause d’aphasie. En 2001, Sharon Stone et Jean-Paul Belmondo ont été touchés par cette affection. Halima Sahraoui, chercheuse au LNPL, nous présente les recherches en cours à l’UT2J pour mieux comprendre les mécanismes de cette maladie.



Plusieurs chercheuses du laboratoire NeuroPsychoLinguistique (LNPL) ont contribué, depuis plus de 30 ans, à des projets de recherche étudiant les maladies neurologiques affectant l’utilisation du langage chez l’adulte, sur le versant neuropsycholinguistique mais aussi en proposant des outils pour la clinique en orthophonie.




 

De l’aphasie aux aphasies

L’aphasie touche environ 300 000 personnes en France selon la Fédération Nationale des Aphasiques de France. Derrière ce terme générique désignant tout type de trouble du langage acquis, il existe une pluralité de causes, de manifestations, de patients et de parcours de soins.
 

L’aphasie de l’adulte est généralement causée par une lésion cérébrale, d’étendue variable. Dans ces cas d’atteinte neurologique, on distingue déjà deux origines possibles : Accidents Vasculaires Cérébraux (AVC) ou neurodégénérescences (pour le cas des syndromes apparentés à la maladie d’Alzheimer). Accidents et maladies peuvent ainsi perturber l’utilisation du langage à des degrés divers. On parle d’aphasie « fluente » lorsque le langage semble fluide mais comporte de nombreuses erreurs (un mot à la place d’un autre par exemple). On parle d’aphasie « non fluente » lorsque le langage est « réduit » et présente des déviances et un manque de fluidité.
 

Deux causes, deux types : quatre combinaisons possibles. Ajoutez à cela que l’aphasie peut toucher le langage écrit ou oral ou les deux, de façon totale ou partielle dans chaque cas de figure, et vous rejoindrez l’avis des spécialistes : il existe bien des aphasies, au pluriel. Halima Sahraoui précise également :

"Chaque individu présente une organisation anatomo-fonctionnelle qui lui est propre : il existe ainsi une grande variabilité interindividuelle, liée à des déficits et à des phénomènes compensatoires complexes. D’une part, les recherches permettent d’orienter la démarche diagnostique du neurologue. D’autre part, elles constituent un apport pour la rééducation fonctionnelle du langage : le retentissement d’un trouble du langage et de la communication sur la vie quotidienne des patients nécessite un suivi en orthophonie."
 

Les projets actuels du LNPL sur les aphasies

Plus récemment, Halima Sahraoui est impliquée depuis 2019 dans le projet FEDER-Région Occitanie AADI (Aphasie et Analyse du Discours en Interactions), avec Silvia Martínez-Ferreiro et Barbara Köpke, en collaboration avec l’UMR Praxiling et l’Université Paul Valéry de Montpellier.

En 2020, Christiane Soum était lauréate des Trophées de la Valorisation de Toulouse Tech Transfer avec le développement de l’outil d’évaluation ETAL (Évaluation des Troubles Acquis de la Lecture).

En 2021, Mélanie Jucla débute son projet ANR FluD4 (FLUence et Disfluences Discursives dans les maladies neuroDégénératives avec ou sans antécédents de trouble neuroDéveloppemental du langage oral ou écrit) en lien avec le CHU de Toulouse-Purpan et l’équipe Inserm ToNIC.

De plus, Barbara Köpke et Nour Ezzedine travaillent plus spécifiquement sur l’aphasie en situation de bilinguisme avec le projet ContrAbil (Contrôle cognitif, Aphasie et Bilinguisme : étude du contrôle des langues chez les bilingues aphasiques) en collaboration avec le service de Médecine Physique et Réadaptation du CHU de Toulouse-Rangueil.

Autant de projets qui témoignent de la diversité des recherches sur les causes et la prise en charge des troubles du langage chez l’adulte. Halima Sahraoui explique cet intérêt scientifique :

"L’adulte est un expert dans l’utilisation du langage : il maitrise et utilise les mots du lexique, la syntaxe pour combiner les unités lexicales, l’orthographe pour lire et écrire, la mélodie et le rythme de la parole pour énoncer, et l’écoute pour comprendre le langage dans des situations de communication variées. Les aphasies viennent perturber ce système linguistique stabilisé et cette expertise d’usages. Les patients doivent être diagnostiqués et leurs troubles évalués par les médecins neurologues, les orthophonistes et les neuropsychologues qui les accueillent à l’hôpital. Ces patients sont ensuite orientés vers une rééducation qui, si elle est nécessaire, sera plus ou moins intensive et plus ou moins longue en fonction des cas. Les collaborations entre chercheurs cliniciens, linguistes et neuropsycholinguistes permettent de mieux caractériser les types de troubles en lien avec la pathologie, et de faire évoluer et d’adapter les outils pour le diagnostic et la thérapie."
 

L’exigence scientifique conjuguée à la nécessité de soins

Au sein de l’Axe de recherche « Neurocognition langagière, linguistique et phonétique cliniques » et via des partenariats diversifiés, le dialogue est à la fois scientifique et clinique. Ce dialogue est fondamental pour formuler et investiguer de nouvelles questions de recherche et répondre à la nécessité de soins de qualité pour accompagner les patients. C’est grâce à leurs projets que les chercheurs du LNPL animent ce dialogue autour d’une volonté commune d’accompagnement des patients vers un mieux-être, et autour de la même exigence scientifique de production de savoirs fiables.

Cette mise en commun permet au LNPL de consolider ce pont entre la recherche en SHS, la recherche médicale et la société. Halima Sahraoui affirme ainsi que le partage est un principe qui fonde toute recherche.

"Nous ne faisons pas de la recherche seulement pour produire du savoir : nous souhaitons que ce savoir puisse être utile aux professionnels de santé comme aux patients. La relation de confiance, qui est au centre du soin, est aussi au cœur de nos recherches. Sans ce lien humain entre patient, soignant et nous chercheurs, rien ne serait possible. C’est aussi ce que nous apportons avec notre expertise, ce regard plus humain sur la maladie, dans une approche globale du patient, de son langage et de son environnement de soins."