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Félicitations à Olivier Guerrier (Il Laboratorio) lauréat d’une chaire fondamentale de l’IUF

Publié le 16 juin 2023 Mis à jour le 16 juin 2023

Un nouveau succès à l’IUF 



Ce n’est pas une première pour Olivier Guerrier : chercheur en la littérature française de la Renaissance, spécialiste de l’œuvre de Montaigne et des rapports entre la littérature et les discours de savoir du XVIe siècle, il est membre honoraire de l’Institut Universitaire de France (membre junior, promotion 2006) sur notamment le projet « Les Moralia de Plutarque au temps de l'humanisme et à l'Âge classique » soutenu par l’Institut. 

Dans cette étude, le chercheur explorait la réception française et européenne de Plutarque, dont les Essais de Montaigne constituent un jalon majeur.

Olivier Guerrier a poursuivi sa réflexion sur Plutarque au-delà du terme du projet en 2011. Il a notamment co-dirigé Plutarque : éditions, traductions, paratextes (Imprensa da Universidade de Coimbra, 2016) et est l’auteur de Visages singuliers du Plutarque humaniste (Les Belles Lettres, 2023). Il a contribué régulièrement à la recherche littéraire européenne à ce sujet, en publiant des articles et chapitre d’ouvrages comme « The Renaissance in France : Amyot and Montaigne » dans Cambridge Companion to Plutarque (Willey -Blackwell, 2014). 

Olivier Guerrier a également continué à s’investir dans les activités de l’IUF : il coordonne l’organisation en 2013 du colloque annuel de l’institut à Toulouse, « La vérité », dont il assure la publication des actes aux Presses Universitaires de Saint-Étienne. En 2014, il communique au colloque annuel sur le thème de « Nature et culture » ; en 2016, il participe également au colloque annuel sur le thème de « L’image », et en 2018, il contribue de nouveau au colloque annuel sur le thème de « La transmission ». 
 

Cette année, l’IUF prime un nouveau projet de recherche d’Olivier Guerrier : nul doute qu’il conduira sa réflexion avec l’énergie et l’exigence dont il a fait montre !

Un nouveau projet sous le signe de l’ouverture


Son nouveau projet de recherche, intitulé « Reconnaissance et Littérature : de la scène fictionnelle au paradigme herméneutique », indique l’amplitude de son regard sur l’histoire littéraire et sa volonté d’une recherche cette fois non-contrainte par un corpus. 

Olivier Guerrier explique que la notion de reconnaissance (anagnôrisis, en grec) a fait l’objet de plusieurs théorisations depuis Aristote, et surtout dans la période contemporaine, de Hegel à Ricoeur et Honneth. Mais la littérature est souvent absente de ces réflexions, à cause du cloisonnement disciplinaire d’une part, et de l’épaisseur sémantique du terme d’autre part.

Si tout le monde comprend le terme de « reconnaissance », la notion est en effet complexe : reconnaître, c’est autant identifier une personne que s’identifier soi-même, c’est qualifier et estimer un être ou une chose, et c’est même, parfois, arpenter, ou encore avouer…
 
« Reconnaître quelqu’un ou reconnaitre quelque chose sont déjà deux actions différentes du point de vue philosophique, du point de vue cognitif, du point de vue social, et du point de vue littéraire. La reconnaissance se lit autant dans les scènes où la mère retrouve son enfant, le roi son héritier, Ulysse sa Pénélope, que dans les récits de voyages, dans des régions inconnues, sur des planètes imaginaires, au centre de la terre, ou encore dans des fictions politiques, récits de conquêtes, de couronnements, de drames shakespeariens… Si l’on ajoute encore à ça la « reconnaissance d’une faute », la « reconnaissance » d’un mérite, la « reconnaissance »-gratitude, on voit le large éventail de sens de la notion. »

Le champ d’étude semble ainsi bien vaste mais Olivier Guerrier détermine son projet selon une trajectoire, qui reprend à nouveaux frais les trois orientations de la reconnaissance que Ricoeur a identifiées dans Parcours de la reconnaissance : identifier, se reconnaître et la reconnaissance mutuelle. Il vise ainsi à reconstituer un parcours littéraire à partir de la reconnaissance-identification et qui s’étoffe avec les autres sens de la notion.

Les scènes de retrouvailles ou de rencontres seront donc particulièrement étudiées, pour leur intérêt poétique bien sûr, mais aussi, et c’est plus surprenant, pour les lire comme des « symboles » de la scène et de l’activité de lecture. 


Olivier Guerrier explique également un autre point important : l’absence de travaux d’ampleur en langue française à propos de la reconnaissance en littérature alors que les études littéraires étrangères ont lancé la réflexion. Pour combler ce manque, le chercheur vise, en parallèle de l’étude de textes, à traduire un ouvrage anglais et un ouvrage italien pour rendre accessible à un public francophone ces questionnements sur l’anagnôrisis


Le projet est donc autant d’apprendre des chercheurs européens que de discuter le rapport entre les théories de la reconnaissance et les théories de la littérature. Pour faire la jonction entre ces divers champs de recherche, Olivier Guerrier porte son attention sur le lecteur, ce qui confère une dimension herméneutique à son étude d’abord poétique. Il rejoint ainsi Antoine Compagnon qui fait de l’anagnôrisis un complément à la mimésis, dans Le démon de la théorie
 
« La mimésis, pour faire très simple, est la capacité de l’homme à représenter le réel, à imiter la nature. Or, dans la littérature, les scènes de reconnaissances sont des moments où l’on introduit l’artificiel : cela sonne toujours faux, on trouve toujours cela exagéré, peu crédible, invraisemblable… C’est un scandale poétique : la mimésis est suspendu tout le temps de l’anagnôrisis. Cela crée une dynamique dans l’œuvre, et il faut l’étudier, comprendre comment cela fonctionne maintenant, comment cela fonctionnait avant … Qu’est-ce qui fait dire au lecteur que les retrouvailles sont exagérées alors que la rencontre des personnages est terriblement vraisemblable ? »

Olivier Guerrier propose d’étudier quelques grands noms de la littérature française, comme autant de jalons pour construire, non pas une histoire littéraire de l’anagnôrisis, mais bien un paradigme herméneutique de la reconnaissance, avec La Boétie, Montaigne, Rousseau et Proust et avec la critique contemporaine de Frye, Ricoeur et Poulet, entre autres. Cette ouverture aux siècles plus contemporains va de pair avec une ouverture aux autres chercheurs : si Olivier Guerrier est le porteur du projet, il lui semble évident qu’un tel travail nécessite un consortium de recherche pour être mené à bien. 
 
« Il s’agit de travailler sur une notion qui, en France, n’existe pas encore, ou peu, comme le champ de la critique littéraire : c’est forcément un travail collectif. Dans mon laboratoire et les autres laboratoires de mon département, beaucoup de collègues peuvent être intéressés par la question et pourraient rejoindre le projet. Cela veut dire que beaucoup de rencontres scientifiques nous attendent et que beaucoup d’articles vont être écrits ! Et comme il y a beaucoup à dire également aux lecteurs qui ne sont pas forcément des spécialistes de littérature, il y aura également des évènements ouverts à la société… qui aura sûrement beaucoup à dire elle aussi ! »