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[Retour sur] Seconde Main, le festival sur la critique !

Publié le 12 octobre 2023 Mis à jour le 18 octobre 2023

Seconde Main est un festival sur la Critique, dont la première session, sur la critique littéraire, s'est tenue en septembre et octobre 2023. Retour sur cette première édition, avec le porteur du projet Olivier Guerrier (Il Laboratorio), et deux doctorants qui ont participé à l'aventure, Camille Trucart (PLH) et Luc Sautin (Il Laboratorio).


Soutenu par la Commission Diffusion des savoirs (maintenant devenue Science et Société), le festival Seconde Main s'est presqu’entièrement déroulé dans le centre-ville de Toulouse.

L'idée était autant de faire sortir les savoirs, et les chercheurs, de l'université que de rendre accessibles au plus grand nombre ces rendez-vous de culture scientifique.

Olivier Guerrier a ainsi proposé 8 rencontres aux toulousains curieux de critique littéraire. Apprendre ce qu'elle a été, voir ce qu'elle est aujourd'hui, comprendre ce qu'elle implique… autant de questions qui ont animé cette première session du festival. 

N’allez pas croire que « Seconde main » désigne le livre d’occasion ! La seconde main littéraire, c’est l’instance qui, après l’auteur, produit un texte qui critique l’œuvre. Et la critique peut aussi bien être une présentation élogieuse du livre, un article assassin, une préface explicative… La seconde main littéraire, c’est le travail d’un lecteur qui devient un auteur critique. « Un geste qui ne va pas de soi », comme le précise Olivier Guerrier. 

La critique littéraire : une tradition bien vivante !


Olivier Guerrier et Yves Le Pestipon ont emprunté le titre de « Seconde main » à Antoine Compagnon, et son ouvrage, « La seconde main, ou le travail de la citation ». Mais ce clin d’œil n’est pas l’idée première du festival, comme l’explique Olivier Guerrier :
 

« Le projet du festival est né d’un constat. La littérature, tout le monde en parle. Il y a des émissions de télé, de radio, des blogs, des forums, des conversations… Mais le discours critique sur la littérature est absent de ces échanges. D’ailleurs, ces livres de critiques, la seconde main littéraire, ne sont pas des succès de librairie, comparé aux ouvrages critiques portant sur d’autres disciplines. Mais si tout le monde parle de littérature, c’est que tout le monde est concerné : on va donc faire un festival pour en parler ! »


Au terme de cette première édition, Olivier Guerrier se réjouit de trois choses : les collaborations mises en place avec les spécialistes, la présence et l’implication d’un public de non-spécialistes, et l’articulation de ce festival avec des activités universitaires. 
 

« Le festival n’aurait pas pu se tenir sans l’implication des collègues de classes préparatoires, de mon laboratoire, mais aussi du laboratoire LLA CREATIS, en particulier Jean-Pierre Zubiate et Guy Larroux. Merci à eux ! Le public a répondu présent pour un évènement nouveau et nous sommes ravis ! Nous avons réussi à intéresser des personnes qui ne sont pas des professionnels de la littérature : c’est que nous avions visé juste dans notre constat de départ ! »


En parallèle du festival, Olivier Guerrier précise que des actions universitaires se sont mises en place : des cours sur ce thème pour les étudiants de L2 et de L3, un séminaire de master sur la lecture, un séminaire doctoral sur la critique. Au sein du festival, les organisateurs ont également pensé un cycle de conférences à l’Université du Temps libre sur la critique littéraire. 
 

« Lorsque nous avons imaginé Seconde main, il était évident que la critique prenait le visage de différentes générations, des plus jeunes au plus anciens, des plus novices au plus confirmés. Il était important pour moi que cela soit effectivement représenté dans la programmation : d’où la présence des doctorants dans le projet ! »
 

Un festival sous le signe de l’ouverture et de la jeunesse


Parmi les différents rendez-vous proposés au public, une rencontre fut complètement animée par deux doctorants. Luc Sautin (Il Laboratorio) et Camille Trucart (PLH) ont pris la parole au lycée Pierre de Fermat, devant une centaine d’élèves de classes préparatoires. S’ils partagent le même intérêt pour la critique littéraire, leurs regards complémentaires sur le sujet ont révélé aux élèves deux aspects de la critique pour les spécialistes : d’une part, l’utilisation de la critique existante dans un travail de recherche et d’autre part, la nature essentiellement critique du travail de thèse. 

Camille Trucart explique avec enthousiasme qu’elle a pensé sa présentation avec le double objectif de faire comprendre et de partager son goût pour la recherche. La doctorante a choisi un point de départ très accessible : la bibliographie. Par définition, il s’agit d’une liste d’ouvrages de critique littéraire sur laquelle le chercheur appuie son travail d’analyse littéraire. 

« La bibliographie apporte un exemple concret de critique littéraire déjà existante. Je voulais leur indiquer l’intérêt de cet outil du chercheur en leur montrant comment on l’utilise. J’ai pris l’exemple de la sociocritique et de son impact sur ma thèse « Musset moraliste ». Grâce à ce type de critique, j’ai pu prendre en compte l'influence du milieu socio-culturel de mon auteur, sur son écriture. Que sa noblesse conditionne ses valeurs est une chose, mais qu’elle impacte la manière dont il écrit le monde me semble plus important ! »



Luc Sautin exprime le même enthousiasme en revenant sur sa présentation. Le doctorant a choisi de présenter la thèse, et la recherche, comme un travail critique. Si cela peut sembler évident, affirmer la portée critique d’une thèse en littérature n’est pas gratuit : cela implique que la critique littéraire se poursuit et se construit encore de nos jours. 

« Je travaille sur Montaigne qui est tout à la fois auteur, lecteur, et critique. Un critique de ses lectures et de son écriture. Partant de là, le public comprend que la critique littéraire n’est pas neuve et qu’il existe une tradition critique parmi les classiques. Une tradition qui ne nous parle malheureusement souvent plus beaucoup, sauf quand on l’étudie. Présenter quelques aspects de ma thèse sur Montaigne a surtout permis d’envisager avec eux la pratique actuelle de la critique littéraire. Un chercheur en Lettres est un critique littéraire ! »


Camille Trucart et Luc Sautin dressent le même constat positif de cet échange avec les lycéens. Ils parlent tous deux d’un moment privilégié de partage et de discussion avec un public nouveau pour eux, très à l’écoute de leurs savoirs et réceptif à leurs discours. 

Luc Sautin résume ainsi leur participation au festival Seconde Main : 
 

« On a vibré tous ensemble au cours de ce festival. Ce genre de moment confirme l’intérêt de nos travaux : la recherche en littérature n’est pas vaine. Le geste critique évolue et il faut interroger cette évolution, comme on le fait avec le geste éditorial. On a tous et toutes pu envisager le sujet sérieux de la critique littéraire sans se prendre au sérieux dans nos discours : les petites mises en scène préparées par les lycéens entre les conférences à l’Hôtel d’Assézat étaient intelligentes et très drôles ! »


Camille Trucart encourage les doctorants à prendre part à des activités de médiation : 
 

« Le sujet de la critique, quoique très intéressant, aurait pu effrayer un peu le public mais ce n’était pas du tout le cas. Luc et moi avons répondu aux stéréotypes des lycéens sur la thèse (la solitude par exemple). Par leur implication dans les échanges et les mises en scène, ils ont répondu aux nôtres sur l’âpreté du sujet et l’esquive des questions de fond. On peut donc parler de tout, avec tout le monde : il faut simplement faire confiance au public ! »

Cette première édition de Seconde main fut un succès… Rendez-vous donc l’année prochaine !