Savoirs partagés : intervention de Ludivine Bantigny sur l’année 68 des femmes

Publié le 23 novembre 2018 Mis à jour le 23 novembre 2018

Un cycle de conférence qui se clôture en beauté

Le cycle de conférences Savoirs partagés 2018, consacré au thème « Mai 68, et après » s’achève le 13 novembre dernier avec l’intervention de Ludivine Bantigny, intitulée « L'année 68 des femmes : 1968, de grands soirs en petits matins. Nouvelles explorations de l'événement ». La conférence avait pour but d’inscrire les évènements de 68 dans une pluralité d’échelles : géographique, de genre, sociale.
Elle a d’abord été introduite par Sylvie Chaperon, professeur des universités en histoire contemporaine, au laboratoire FRAMESPA qui a présenté l’intervenante du jour : maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Rouen après des études d’histoire et de lettres à l’université Paris-I-Panthéon Sorbonne et à l’Ecole normale supérieure; agrégée et docteure en histoire; habilitée à diriger des recherches.
Initiée au travail sur archives dès sa thèse, Ludivine Bantigny a continué par la suite à les analyser pour alimenter son travail de recherche sur l’évènement mai 68, et s’est rendue dans plus de 25 départements français différents pour cela. Archives policières, des syndicats, ouvrages en bibliothèque, anciens journaux et autres émissions de radio, ces différents documents rendent compte d’une participation et d’une contestation plus large que celles des militants et des étudiants : agriculteurs, ouvriers, danseurs, médecins, artisans, artistes, et surtout des femmes à parts égales avec les hommes participent à mai 68 en rejoignant les piquets de grève.

A l’instar de l’usine Big Chief en Dordogne, des secteurs industriels et de services sont entièrement occupées par des femmes. En effet, les femmes sont présentes dans les occupations, les sit-ins, les manifestations aux cotés des « camarades » mais sont invisibilisées. Alors que les femmes sont présentes sur les photos des évènements, telles des allégories, les médias ne traduisent ni ne légitiment leur prise de parole, ce sont les hommes qui sont au pouvoir, qui sont au micro. Dans les publicités et même les tracts, les femmes sont renvoyées à leur rôle de femme au foyer et de mère. Partout on remet en cause une certaine forme d’hégémonie, mais pas celle de la domination masculine. Même dans les groupes d’interrogation morale, le rapport genré n’est pas interrogé.
Les femmes veulent se réapproprier l’espace, elles souhaitent également profiter des évènements pour elles aussi « changer la vie », plus que les rapports de production, ce sont les rapports sociaux et de genre qu’elles veulent voir évoluer.
Tous les combats ne sont pas gagnés pour elles en 68, et la reprise du travail peut se faire dans la colère et la douleur, comme ce fut le cas pour des ouvrières de l’usine Wonder à Saint-Ouen.
Des femmes s’organisent dans de groupes dans l’après 68 pour se réapproprier l’histoire, le présent en mettant en lumière les luttes des femmes et en combattant les clichés. Un combat toujours d’actualité.

Pour inscrire les évènements de 68 dans leur diversité géographique, Ludivine Bantigny consacre aussi une partie de sa conférence aux évènements hors les frontières. Il serait réducteur de les cantonner à la France alors que le mouvement est international : à Tokyo, Berlin, Milan, Dakar, Téhéran. La ville de Columbia accueille notamment une grande manifestation contre la guerre au Vietnam tandis qu’en République tchèque le pouvoir totalitaire est ébranlé lors du Printemps de Prague. L’espérance révolutionnaire gagne aussi les pays du Tiers monde, qui demandent leur indépendance, leur autodétermination ou encore la décolonisation : dans ce sens, à Mexico, en 68, un mouvement populaire est lourdement réprimé par l’état.

La conférence, et les questions qui ont suivi, ont permis d’étayer la vision de mai 68 : une diversité multiforme et notamment au niveau des protagonistes. Il existe des travaux importants sur la place des femmes dans les évènements, mais malheureusement encore peu nombreux. Cela méritait bien alors d’y consacrer une conférence, pour clôturer le cycle 2018 des Savoirs Partagés en beauté.