#1 . Thierry Val, chercheur connecté

Publié le 1 janvier 2021 Mis à jour le 5 septembre 2022

Thierry Val travaille sur les communications sans fil, notamment en environnement confiné. Entre informatique et humanisme, il revendique l’application extrêmement concrète de ses recherches.

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Thierry Val a l’œil pétillant du passionné. Dans son laboratoire de l’IRIT à l’IUT de Blagnac, il montre avec fierté les grands rails suspendus qui courent le long du plafond. Ici ou là d’étranges petits objets mobiles clignotent d’une lumière rouge : son dernier protocole en expérimentation…  Les petits composants électroniques sont l’ébauche d’un futur système de communication courte portée qui servira à localiser des personnes à l’intérieur d’un bâtiment, sans utiliser de GPS.

Avant de créer des nœuds de réseaux sans fil en laboratoire, Thierry Val envisageait simplement travailler dans l’informatique, une technologie alors récente. Son Bac C en poche, le jeune corrézien intègre l’IUT de Clermont-Ferrand. Loin de lui l’idée d’enseigner ou de faire de la recherche. Mais une rencontre va tout changer. Parmi ses professeurs se trouve un chercheur, Jean-Jacques Mercier, qui deviendra plus tard le directeur de l’IUT de Blagnac. Face à ses étudiant.e.s, il évoque la recherche en informatique, et plus particulièrement la recherche dans un domaine peu connu : les réseaux. La connexion entre Thierry Val et son professeur est immédiate. D’elle, naîtra non seulement une vocation mais surtout une grande amitié.  L’étudiant, qui a perdu son père à l’âge de treize ans, est pris sous l’aile de son mentor et se lance à son tour dans la recherche. Il sera soutenu par Jean-Jacques Mercier jusqu’à son habilitation et son poste de professeur à Blagnac.

A une époque où le téléphone portable n’existait pas, et où le seul objet sans fil présent dans notre quotidien était la télévision à antenne râteau, Thierry Val a été l’un des premiers chercheurs à s’intéresser aux réseaux sans fil. Durant sa thèse, ses travaux de recherches sur un système de communication infrarouge pour des charriots mobiles dans des entrepôts en laissent certains perplexes : ça ne marche pas bien, ce n’est pas performant, il n’y a pas beaucoup de débit, lui disait-on… Convaincu, pourtant, Thierry Val l’était. Les avancées technologiques et industrielles lui donneront raison. Il voit naître la 1G, première génération de téléphonie mobile française (Radiocom 2000) dans les années 80, et comme beaucoup, il ne se doute pas de l’ampleur que cela va prendre dans nos vies.

Ses premières recherches trouvent très vite des applications dans de nombreux domaines, et des environnements aussi complexes qu’une centrale nucléaire ou encore un sous-marin militaire. Les capteurs sans fils qu’il a développés permettent aujourd’hui d’analyser le niveau de radioactivité sans exposer l’homme à sa dangerosité. Une utilisation pratique au service de la personne, voilà le fil conducteur des travaux de Thierry Val. Ses recherches actuelles - les mobiles installés sur les rails du plafond - sont destinées à des militaires en opération pour se localiser les uns les autres, ou encore à des pompiers dans un immeuble en feu. Elles serviront aussi aux personnes âgées en Ehpad pour détecter les chutes. Cette technologie est d’ailleurs expérimentée dans la Maison Intelligente construite sur le site de l’IUT de Blagnac, un vaste projet pilote, bardé d’objets connectés, dont l’objectif est d’aider au maintien à domicile des personnes.

A l’heure de la domotique et de l’Internet des objets, l’enseignant chercheur n’en garde pas moins un œil attentif sur l’autre face des communications sans fil, notamment leur impact environnemental. Dans son laboratoire, il travaille avec son équipe sur des composants à faible consommation d’énergie. Il faudrait aussi, confie-t-il, travailler sur les matériaux utilisés pour fabriquer ces objets (silicium, sable…), actuellement très néfastes pour la planète. La question environnementale, mais aussi celle de la circulation et du commerce des données, Thierry Val l’aborde avec ses étudiant.e.s. Il enseigne principalement en première année, par choix. Car, dit-il, ils ont tout à découvrir. Comme lui, quelques décennies plus tôt lorsqu’il était sur les bancs de l’université... Après la disparition de Jean-Jacques Mercier en 2019, enseigner, transmettre sa passion pour la recherche sur les réseaux, suivre des doctorant.e.s et leur permettre de devenir eux-mêmes maîtres de conférence puis, peut-être un jour, professeurs, est devenu encore plus essentiel pour Thierry Val. Une façon selon lui, de boucler la boucle.

 

Thierry Val : Enseignant en informatique, réseaux et télécommunications à l’IUT de Blagnac. Chercheur à l’Institut de Recherche en Informatique de Toulouse (IRIT) sur les problématiques de réseaux et protocoles pour les systèmes de communications sans fil. A partir de janvier 2021, il dirigera également l’antenne UT2J de l’IRIT qui rassemble trente enseignants chercheurs.