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Escalade à l’UT2J : l’apprentissage d’une équipe singulière

Enseigner l’escalade à un étudiant non-voyant

Publié le 18 décembre 2025 Mis à jour le 18 décembre 2025

Au SUAPS, l’escalade a pris cette année une dimension nouvelle avec l’arrivée de Sékou, étudiant non-voyant, formant un trio inédit avec Tessa et leur enseignant Maxime. Ensemble, ils ont dû inventer un mode de fonctionnement efficace, entre adaptation, confiance et exigence sportive. Leur parcours raconte comment une pratique peut évoluer lorsqu’on la construit collectivement.

Oser se lancer, apprivoiser la peur.

Quand il parle d’escalade, Sékou sourit. Pourtant, la première fois qu’il a posé les mains sur le mur, la peur occupait toute la place. « J’entendais le mot “escalade”, mais je ne savais pas du tout à quoi m’attendre », raconte cet étudiant en sociologie, non-voyant. Il était venu retrouver Maxime, professeur d’EPS avec qui il avait suivi des cours de musculation l’année précédente. « Je savais qu’avec lui, je pouvais me lancer. »

Le premier cours est un choc : huit mètres de hauteur, une corde à lâcher alors qu’il est perché tout en haut. « Je croyais vraiment que j’allais tomber… J’ai crié ! Puis j’ai lâché la corde, et j’ai senti que j’étais tenu. Ce jour-là, la peur a commencé à partir. »

Tessa, partenaire de confiance dans la cordée.

À ses côtés, il y a Tessa. Étudiante en troisième année d’anglais, grimpeuse depuis plusieurs années, elle devient rapidement sa partenaire attitrée. Les premières séances sont un peu chaotiques : trop de camarades veulent aider, bien intentionnés mais trop nombreux. « On a mis deux ou trois cours à trouver notre fonctionnement », explique-t-elle. « Maintenant, on grimpe comme n’importe quel binôme : une fois lui, une fois moi, et je reformule quand les consignes sont trop visuelles. »

Une progression fulgurante qui surprend l’enseignant.

Ce qui étonne tout le monde, c’est la vitesse à laquelle Sékou apprend. « Les débutants mettent souvent plusieurs séances avant de faire un nœud vraiment propre ou d’assurer en autonomie », raconte Maxime. « Lui, en deux cours c’était acquis. Et dès la première séance, il a fait une voie en tête… et pas une simple ! » Il rit : « Je crois que j’ai eu plus peur que lui»

L’enjeu, pour Maxime, n’est pas seulement technique. Enseigner à un étudiant non-voyant est une première pour lui. « Au début, j’avais peur de trop adapter. Mais j’ai compris que le but, c’était qu’on fasse les mêmes choses, juste autrement. » Pour trouver les bons repères, il s’appuie aussi sur l’expérience de Nicolas Moineau, champion du monde d’escalade non-voyants. « Ses conseils m’ont énormément aidé. »

Des repères tactiles pour rendre la voie lisible.

De son côté, Sékou avance avec méthode. « Au début, tout était abstrait : le baudrier, la corde, les prises… Ils m’ont montré avec mes mains, et à force de répéter, tout devient clair. » Aujourd’hui, il sent sa progression : il grimpe plus vite, se fatigue moins, connaît les voies « par cœur », comme les grimpeurs confirmés. « Chaque fois que je dépasse une peur, ça m’encourage. Et j’ai un objectif : atteindre le niveau de Tessa », lance-t-il, taquin. « C’est ma championne. »

Une cordée où chacun progresse.

Sékou gagne en technique et en confiance ;
Tessa apprend à guider sans étouffer ;
Maxime ajuste son enseignement avec finesse.

Une relation où la confiance circule dans les deux sens.
Et où, corde après corde, voie après voie, tout le monde grimpe un peu plus haut.

crédit photos : Taina JONDEAU