Prix de thèse 2021 de la Maison des Sciences de l’Homme et de la Société de Toulouse : l’interdisciplinarité incarnée !

Publié le 8 décembre 2021 Mis à jour le 10 décembre 2021

Carolane Mascle (CLLE) remporte le prix cette année...

CM
Distinguant chaque année des travaux de recherche interdisciplinaires remarquables ayant au moins une discipline du domaine des sciences humaines et sociales au cœur du travail, le Prix de thèse 2021 a été décerné par le conseil scientifique international de la MSHS-T à Carolane Mascle, pour sa thèse en psychologie soutenue en décembre 2020 et intitulée : "Le livre tactile illustré : Influence de la technique d'illustration sur la reconnaissance des images par des personnes voyantes et non-voyantes" (ED CLESCO, laboratoire CLLE).
Un travail de thèse remarqué pour son sérieux, son fort impact sociétal ainsi que pour l’interdisciplinarité présente à la fois dans le sujet et dans le parcours de Carolane.
 

Rencontre avec la lauréate.

Situation initiale : un cursus multidisciplinaire, solide socle pour la suite de l’aventure

Vouant un réel intérêt à l’accessibilité de l’apprentissage, tout le cursus de Carolane Mascle est marqué par son goût profond de découvrir et d’approfondir plusieurs disciplines, tout en les liant les unes aux autres afin d’en maitriser tous les langages.
L’étudiante suit d’abord un double cursus : licence en mathématiques appliquées (spécialisation sciences cognitives) et licence en psychologie ; puis un master en sciences cognitives à Bordeaux (axé accessibilité), qui lui permet de se perfectionner sur les liens entre technologies, apprentissage et handicap. Elle travaillera notamment sur l’utilisation du support tablette chez des enfants présentant des troubles autistiques. En 2015, elle réalise sa seconde année de master à l'Université du Québec à Montréal, et met en place un système de tutoriel intelligent, avec une équipe pluridisciplinaire composée d’informaticiens et de logiciens.

Elle enchaine ensuite différentes expériences professionnelles qui viennent enrichir ses compétences : professeure de mathématiques en collège et lycée, service civique en Nouvelle-Calédonie (installation et formation du personnel et des élèves d’un collège à l’utilisation d’outils numériques), cours de français en Inde et animation de groupes de parole pour réfugiés tibétains en exil.

De retour en France, elle postule à un projet de thèse sur l’accès aux images pour enfants malvoyants. Ses expériences dans l’enseignement l’ont en effet poussée à faire de la recherche pour davantage valoriser la psychologie et les sciences cognitives dans la pratique, la recherche sur les apprentissages pouvant améliorer la prise en compte des profils spécifiques d’élèves.
 

Elément modificateur : un projet de thèse, fait pour elle

Cette thèse interdisciplinaire interroge l’usage d’outils numériques pour l’accès à la compréhension d’images. Sur de nombreux points, elle résonne avec le parcours de Carolane. Proposée par les laboratoires IRIT et CLLE, et financée par la Région Occitanie et l’UT2J, la thèse est réalisée sous la direction de par Gwenaël Kaminski (maitre de conférences au laboratoire CLLE), Christophe Jouffrais (directeur de recherche au laboratoire IRIT), elle bénéficiera également du soutien et de l’encadrement de Florence Bara (maitresse de conférences au laboratoire CLLE) tout au long des 3 années de thèse.

La doctorante découvre d’abord le domaine de la déficience visuelle en menant une réflexion sur ce que signifie l’accès à l’image pour des personnes mal voyantes. Déconstruisant ses idées reçues, elle cherche à mieux comprendre le fonctionnement propre du toucher et celui de la vision. En lien avec l’objectif principal de la thèse, elle s’interroge ensuite sur l’accessibilité des images. Centrant son travail sur des jeunes enfants, Carolane cherche à définir ce que serait la meilleure image possible pour soutenir la lecture de ce public.
 

Les péripéties : des expérimentations à mener dans la France entière

Pour lier les réflexions de la jeune chercheuse à la pratique, l’étude est menée en partenariat avec l’Institut des Jeunes Aveugles - IJA de Toulouse qui apporte son expertise sur représentations mentales d’un objet pour personne non voyante et son savoir-faire sur les livres tactiles.
Des liens noués avec d’autres centres spécialisés en France (l'IRSA à Bordeaux, l'Institut Montéclair à Angers, le CRDV à Clermont-Ferrand, l'ASEI - Cival Lestrade à Toulouse) permettent de toucher les enfants de 6 à 10 ans ciblés pour les tests, et de participer à des manifestations scientifiques et conférences, qui sont autant d’occasions d’échanger, de se confronter à la pratique et d’obtenir l’avis de professionnels sur le sujet de recherche.

3 Arrivent alors les phases de tests. En phase 1, Carolane travaille sur la reconnaissance d’images tactiles en présentant 2 modèles : l’un alliant la forme de l’objet représenté à une texture spécifique, l’autre présentant seulement un rond de texture typique par objet. L’expérience vise à présenter une trentaine de modèles, réalisés à la main, puis à les faire reconnaitre à 18 enfants non-voyants, 36 enfants voyants et 5 enfants mal voyants. En conclusion, alors que les enfants voyants ont besoin de la forme de l’objet pour le reconnaitre, les enfants non et mal-voyants ne différencient pas les 2 modèles, et reconnaissent même plus rapidement le second.

En découle la phase 2 de tests, qui étudie l’utilisation des ronds de texture pour représenter directement les personnages dans un livre. L’histoire « le petit chaperon rouge », adapté en livre tactile par la maison d’édition Les Doigts Qui Rêvent, est retenue pour observer le suivi de la lecture de l’histoire et l’appropriation du support par des enfants non et mal voyants. Après leur avoir présenté en amont de l’histoire les personnages via leur texture, les enfants les repèrent et les identifient très rapidement tout au long de l’histoire, même lorsque la forme de la texture change.

Pour la dernière phase de tests, la chercheuse interroge l’efficacité des pictogrammes sur des tablettes à picots rétractables. En effet, les pictogrammes sont utilisés pour aider à la compréhension dans de nombreux handicaps mais sont très peu proposés aux mal-voyants. Après avoir testé la reconnaissance de pictogrammes faits de points auprès de personnes voyantes et non-voyantes et obtenu une faible reconnaissance, Carolane teste ces mêmes pictogrammes dessinés via des lignes. Elle obtient dans ce cas un très bon taux de reconnaissance.
 

Situation finale : un travail de thèse à l’impact sociétal fort, récompensé par le prix de thèse de la MSHS-T

Le petit chaperon rouge, éditions Les Doigts Qui Rêvent, Les tests réalisés et les conclusions de ces travaux ouvrent la voie à davantage de possibilités, dans le champ des illustrations, d’usage des pictogrammes et d’accessibilité. En lien direct avec le terrain et basée sur la pratique, cette thèse  pourrait inspirer, par exemple, des maisons d’éditions spécialisées, des familles d’enfants mal-voyants.

La thèse de Carolane Mascle s’est nourrie des discussions avec les familles et des échanges avec les professionnels, c’est donc naturellement que beaucoup d’entre eux ont assisté, en visioconférence, à sa soutenance le 14 décembre dernier.
La jeune docteure a à cœur de donner largement accès à ses résultats, de provoquer la réflexion et d’ouvrir les perspectives. Recevoir le prix de thèse de la MSHS-T l’a donc particulièrement touchée. Ce prix permet non seulement de valoriser son travail et de participer à la visibilité de ses résultats, mais aussi de promouvoir l’interdisciplinarité qu’elle défend et incarne depuis le début de sa carrière.

Et si cela peut lui permettre de consolider son dossier pour obtenir des financements et ainsi continuer sur de nouveaux projets de recherche, alors c’est bien là tout ce qu’on lui souhaite !

Le jury a également décerné exceptionnellement cette année une mention spéciale à Patrice Georges (laboratoire TRACES).
La remise officielle du prix de thèse 2022 aura lieu en avril 2022 à la Maison de la Recherche de l'UT2J.